Par Yamadou DIABY
Ce Sommet coïncide avec le 60ème anniversaire de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), du vingtième anniversaire de l’Ua et de la première décennie de l’agenda 2063. Permettez-moi de saisir cette opportunité pour soumettre à votre attention cette réflexion que m’inspire ces anniversaires ».
Un rapide regard rétrospectif montre, en toute objectivité, que l’Afrique indépendante depuis une soixantaine d’années, n’est pas encore totalement en paix ; elle n’a pas encore réalisé, au-delà des formes, l’essentialisme de son unité, ni atteint le niveau de prospérité que son âge et ses ressources auraient dû lui assurer.
Je sais que le temps des Nations n’obéit pas au même rythme que celui des humains. J’ose la comparaison pour évoquer les transformations réussies durant la même période par des régions du monde qui avaient, au départ, le même niveau de développement que l’Afrique.
D’où vient-il alors que nous n’évoluions pas au rythme souhaité ? Pourquoi nous ne progressons pas malgré nos formidables atouts humains et nos immenses potentiels en ressources naturelles ?
Après six années passées à la tête de la Commission, j’ai mesuré la complexité ainsi que les limites de l’Exécutif continental qui dispose -avouent- le de peu de marge pour mettre en œuvre les décisions formellement arrêtées par la Conférence.
Je suis arrivé à la conclusion que nous ne faisons pas assez pour réaliser les grandes ambitions qui ont présidé à la création de notre organisation et, de manière générale, pour sortir du cercle vicieux de la dépendance, du sous-développement, de l’éparpillement et des déficits patents d’intégration.
N’ayons pas peur de le dire, nous mettons beaucoup d’enthousiasme dans l’élaboration de grands projets pour l’Afrique, dans la prise de certaines décisions, mais, malheureusement beaucoup moins de soins à leur réalisation simplement par défaut de volonté politique agissante. Cette rupture entre paroles et actes est le principal facteur de désaffection des populations vis à vis de l’organisation continentale.
Le phénomène est aggravé par la prévalence des intérêts nationaux, cristallisant chaque jour un peu plus les divisions et les clivages, affaiblissant ainsi les élans dans la construction d’une Afrique parlant d’une seule voix, intégrée, forte et prospère.
Je n’évoquerai que quelques actes fondateurs qui peinent à se réaliser du fait de cette absence de volonté politique : la libre circulation de personnes et des biens le passeport africain, la création des institutions financières, le marché unique du transport aérien en Afrique, le lancement des grands chantiers d’infrastructures intégratrices.
Nous avons besoin, dans chaque nation africaine, d’une organisation autrement perçue, autrement soutenue, autrement instrumentalisée pour le plus grand bien de nos peuples, de leur liberté, de leur dignité et de leur prospérité.
Je crois, avec foi, pouvoir compter sur votre engagement, votre sagesse et votre courage, afin que se poursuive, avec ténacité et ferveur, l’œuvre entamée par nos pères fondateurs depuis l’aube des années Soixante.
C’est, à mon sens, la meilleure façon de célébrer nos soixante ans ! Je vous remercie de votre bienveillante attention.
Extrait d’allocution de Moussa Faki Mohamat
