Au Sénégal, cinq anciens ministres sous l’ancien régime du président Macky Sall ont saisi la rapporteure spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats Margaret Satterthwaite. Ces anciens membres du gouvernement se disent ‹‹ victimes de violations des droits de la défense ›› et d’une « instrumentalisation politique de la justice ».
Les avocats des anciens ministres accusés de malversations dans l’affaire Fonds Force Covid-19 ont saisi l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour dénoncer plusieurs violations graves de l’indépendance judiciaire ainsi que des garanties de procès équitables. Une autre saisine a également été introduite devant un organe onusien au sujet de la privation de liberté d’anciens dignitaires du régime de Macky Sall.
Me Antoine Vey rapporte que ces démarches ont été initiées conjointement par un cabinet d’avocats français et un collectif d’avocats sénégalais.
Les 5 ex-ministres sous Macky Sall ( Sophie Gladima, Ismaila Madior Fall, Mansour Faye, Ndeye Saly Diop, Moustapha Diop ) à l’origine de la requête sont tous inculpés pour « détournements de fonds », ou « détournements de deniers publics », dans le cadre de la gestion du fonds de lutte contre le Covid 19. Cela devant la Haute Cour de justice, seule instance habilitée à juger des ministres ou un président de la République pour des faits présumés commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Les personnalités mises en cause sont l’ex-ministre du Développement communautaire Mansour Faye, qui est également beau-frère de Macky Sall, l’ex-ministre des Mines Aïssatou Sophie Gladima, l’ex-ministre du Développement industriel Moustapha Diop, tous trois incarcérés depuis fin mai, ainsi que l’ex-ministre des Femmes Salimata Diop et l’ex-ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, ces deux derniers bénéficiant d’une liberté conditionnelle.
Dans leur saisine, les avocats adressent une série de reproches à la Haute Cour de Justice. « La Haute Cour de Justice du Sénégal est une juridiction d’exception dans laquelle il n’existe aucune garantie procédurale », affirme l’avocat français Antoine Vey, qui dénonce notamment « l’absence d’instruction contradictoire » et le « refus d’accès au dossier » pour la défense.
C’est aussi là que se situe le nœud du problème, selon les 5 anciens membres du gouvernement et les avocats qui les défendent. Car les décisions de cette Haute Cour de justice ne sont susceptibles d’aucun appel, ce qui est contraire aux dispositions internationales sur un procès équitable.
Autre problème : présidée par le premier président de la Cour suprême, la Haute Cour de justice est composée de 8 juges élus par l’Assemblée nationale. Or, avec 130 des 165 sièges occupés par le Pastef, le parti au pouvoir est surreprésenté au niveau de cette cour de justice : 7 des 8 juges sont issus du Pastef.
Résultat, le cabinet d’avocat français Vey & Associés, à l’origine de la requête auprès de l’ONU, dénonce une « absence d’impartialité de la Haute Cour de justice » et de « garanties d’indépendance » et « de procès équitable »
Dans leur requête, les cinq anciens ministres demandent à la rapporteure spéciale des Nations unies « d’engager un dialogue urgent avec les autorités sénégalaises » et de demander la suspension immédiate de ces procédures.
‹‹ Nous sommes prêts à engager un bras de fer contre des pratiques diverses visant à faire taire l’opposition », a ajouté l’avocat français Antoine Vey, soulignant la gravité des atteintes aux libertés publiques dans ce contexte.