La vérité des faits !
Dans un article intitulé « Air Sénégal : au cœur d’un scandale financier, cinq avions cloués au sol », de graves amalgames sont faits sur l’acquisition de 5 avions pour Air Sénégal par M. Doudou KA, ancien ministre de l’économie, du plan et la coopération.
En réalité, l’État avait fait un choix souverain de redressement de la compagnie Air Sénégal pour permettre aux populations de voyager à des tarifs réduits.
Selon des sources de Kritik, en 2022, Air Sénégal affichait des pertes colossales s’élevant à plus de 6 milliards FCFA par mois, et ce, malgré un taux de remplissage moyen de plus de 70 % sur l’ensemble de ses lignes. Certaines lignes internationales, notamment celles reliant New York, Barcelone, Marseille-Lyon et Milan, engendraient à elles seules des pertes cumulées de plus de 2 milliards FCFA par mois. Parallèlement, le réseau domestique ne faisait pas exception à cette hémorragie financière, enregistrant un déficit mensuel supérieur à 150 millions FCFA sur la ligne Cap Skirring, soit près de 2 milliards FCFA de perte par an. La décision de l’État d’acheter huit (8) aéronefs en deux phases (d’abord 5 puis 3) permettait de démocratiser le transport aérien national en le rendant plus accessible et moins cher.
Cela avait marqué une rupture avec un modèle élitiste qui privilégiait Dakar et les grandes capitales européennes et américaines, et qui ne profitait qu’aux citoyens et usagers les plus fortunés.
Le véritable scandale, s’il en faut un, ne réside pas dans la décision d’achat de ces avions tchèques, ni dans le processus réglementé et encadré de leur acquisition mais dans l’inaction qui a suivi leur livraison. Blâmer l’outil plutôt que d’interroger les responsables qui l’ont laissé se « rouiller » représente un raccourci commode certes mais fallacieux.
Il est impératif de poser le véritable débat. Aspire-t-on à une compagnie nationale réduite à un rôle de vitrine coûteuse pour une clientèle internationale et domestique privilégiée, ou à un véritable instrument de désenclavement, d’intégration africaine et de souveraineté territoriale ? Souhaitons-nous maintenir un « système » profondément ancré dans ses habitudes, son confort et ses rentes ?
L’acquisition des cinq premiers avions L410-NG par l’État du Sénégal s’inscrit dans une démarche pragmatique et profondément ancrée dans les réalités économiques du pays. En effet, le coût opérationnel de l’heure de vol du L410-NG s’élève à 1 000 USD (environ 580 000 FCFA), soit six fois moins cher que celui des ATR72-600, actuellement utilisés par Air Sénégal, qui atteint 6 000 USD (environ 3 500 000 FCFA).Cette réduction des charges opérationnelles devait se traduire par une baisse significative des tarifs des billets des lignes domestiques passant de 65 000 FCFA à 40 000 FCFA en aller simple, ce qui devrait contribuer à l’accessibilité du transport aérien national.
Nos différentes recherches nous permettent d’affirmer que le L410-NG est un appareil parfaitement adapté aux aéroports régionaux, tels que ceux de Saint-Louis, Matam, Tambacounda, Ziguinchor et Kédougou. Loin d’être un appareil expérimental, il est déjà en service dans plusieurs pays de l’Europe de l’Est mais également d’Afrique (Algérie, Niger, Afrique du Sud, République démocratique du Congo, …). L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) recommande d’ailleurs cet avion pour les pays dotés d’infrastructures aéroportuaires modestes, ce qui témoigne de sa fiabilité et de son efficacité dans des conditions de développement similaires à celles du Sénégal.
Contrairement aux accusations infondées d’opacité, le processus d’acquisition des L410-NG a été rigoureusement encadrée et validée par l’ensemble des parties prenantes du secteur aérien national, à savoir l’autorité de l’aviation civile (ANACIM), les exploitants désignés que sont Air Sénégal et l’Armée de l’Air. Entre août 2023 et février 2024, plusieurs délégations comprenant des représentants du Ministère des Transports Aériens et du Développement des Infrastructures Aéroportuaires (MTADIA), du Ministère des Finances et du Budget (MFB), du Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération (MEPC), de l’ANACIM, d’Air Sénégal et de l’Armée de l’Air ont été régulièrement dépêchées à Prague pour mener les négociations, évaluer la qualité des avions et des équipements, choisir les systèmes de navigation, s’assurer de la disponibilité des pièces de rechange, superviser la fabrication des aéronefs commandés et réceptionner les livraisons en usine.
Le financement de cette acquisition a été assuré par un crédit export du gouvernement Tchèque d’une durée de 12 ans. Ce dispositif a été structuré de manière à ne pas grever la dette et la situation financière délicate de la compagnie Air Sénégal, qui n’a dû débourser AUCUN franc pour l’acquisition dédits cinq avions.
Par conséquent, il convient de clarifier que l’immobilisation des 2 avions L410-NG livrés n’est pas liée à un défaut technique ou à un mauvais choix d’appareil, mais plutôt à un problème de management et de confusion des rôles. La politique aéronautique du Sénégal est définie par le gouvernement, et non par une compagnie aérienne.
Dans ce cas précis, bien que la société tchèque OMNIPOL ait respecté tous ses engagements, y compris la proposition de trois sessions de formation entre mars et décembre 2024, aucun pilote ni mécanicien d’Air Sénégal, aucun pilote de l’armée de l’air, ni aucun ingénieur de l’ANACIM n’a été envoyé à Prague pour bénéficier des formations et qualifications essentielles à l’exploitation des aéronefs, conformément au contrat signé par l’État du Sénégal. Cet immense gâchis est préjudiciable tant pour le Sénégal que pour les usagers du transport aérien national.
L’exploitation des L410-NG représente une réelle opportunité qui s’aligne avec les capacités financières de notre économie ainsi qu’avec les réalités géographiques et infrastructurelles du Sénégal. Il y va de la souveraineté aéronautique de notre pays.
Pape Sarr
