Le chroniqueur Bachir Fofana a comparu ce mercredi 2 juillet 2025 devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Inculpé pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation, il avait été placé sous mandat de dépôt la veille de son audience. Celle-ci a été émaillée de perturbations, contraignant le juge à suspendre temporairement les débats. Après une pause de dix minutes, à la suite de l’intervention d’un autre avocat de la défense Me Aliou Sow, l’audience a repris.
La date du délibéré, quant à elle, est fixée au 9 juillet.
Une vidéo polémique au centre du dossier
Les poursuites engagées contre Bachir Fofana découlent de la diffusion d’une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans cet enregistrement, le chroniqueur affirmait que le marché public relatif à l’acquisition de véhicules de l’Assemblée nationale pour les députés avait été attribué à un certain Cheikh Gueye, un chef d’entreprise inculpé pour corruption sur l’affaire opposant le ministère public et Ismaila Madior Fall ancien ministre de la Justice en instruction.
Ces propos ont suscité une réaction immédiate du Président de l’assemblée nationale, El Malick Ndiaye qui avait déposé une plainte par le biais de son avocat Me Bamba Cissé.
À la barre, un chroniqueur sur la défensive
Devant le tribunal, Bachir Fofana a nié toute intention malveillante. Il a affirmé que ses déclarations reposaient sur une source qu’il estimait fiable au moment des faits. « Je pensais dire la vérité, car l’information venait d’une personne qui ne m’avait jamais induit en erreur », a-t-il expliqué. Il a également déclaré avoir procédé à certaines vérifications préalables avant de publier les informations.
Toutefois, il a reconnu que des éléments nouveaux étaient apparus depuis, remettant en question ses assertions initiales. « On m’a par la suite informé que le marché avait été attribué à une autre personne. C’est pourquoi je suis allé avant même la plainte dans une émission c’est la deuxième vidéo que vous avez visionné pour dire que si les services de communication de l’assemblée nationale donne une autre version que la mienne je reviendrai ici pour rectifier et faire des excuses, c’est aussi dans cette même émission que j’ai précisé que ma source m’a dit que Cheikh Guèye était effectivement sous bracelet électronique, mais jusqu’à présent y’a aucun démenti venant de l’assemblée nationale pour donner la bonne nouvelle », a-t-il ajouté.
Une procédure remise en question par la défense
Bachir Fofana a également contesté la régularité de la procédure. Selon lui, il n’avait pas été informé de l’existence d’une plainte lors de sa première audition. Il affirme avoir été convoqué sur la base d’une autosaisine du procureur, sans notification officielle de la plainte initiale. Ces éléments ont été soulevés par la défense pour remettre en cause la base légale de la poursuite.
Le parquet a ainsi requis une peine de six mois d’emprisonnement, dont trois mois ferme, assortie d’une amende de 200 000 francs CFA.
Les avocats du prévenu ont, de leur côté, plaidé la relaxe, invoquant la liberté d’expression et la liberté de la presse comme piliers fondamentaux d’une démocratie. Ils ont dénoncé une procédure qu’ils estiment biaisée, affirmant que le ministère public aurait ignoré la responsabilité éditoriale du site ayant publié la vidéo. Selon eux, leur client a été ciblé de manière sélective. « Même si un journaliste commet une erreur ou diffuse une fausse nouvelle, c’est au Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED) d’en juger, et non au tribunal correctionnel ».
Me Pape Sene un des avocats de Bachir Fofana a dans sa plaidoiries anéanti les charges du parquet et la plainte du Président de l’assemblée nationale qui dans sa plainte a déclaré « Qu’il est homme politique et Président de l’assemblée nationale que cette double qualité fait de lui une personnalité publique très suivie (sic… ndlr) par le peuple notamment sur les réseaux sociaux et medias classiques ceci pour relever que la moindre information le concernant est vivement commenté avec des forts relent politique et médiatique. Conscients de cette situation des individus mal intentionnés avec leurs complices mus par une volonté malsaine de le discréditer s’évertuent depuis quelques temps à diffuser de fausses nouvelles en particulier sur l’acquisition de véhicules par l’assemblée nationale. Qu’en effet pour chercher clairement à nuire à la réputation de l’institution de son représentant et attenter à son honneur et à sa considération ils l’associent à la pratique tenue le plus en horreur par le peuple sénégalais… Qu’à les en croire par exemple dans le cadre de l’achat des véhicules l’assemblée nationale a attribué le marché à un nommé Cheikh Guèye actuellement sous contrôle judiciaire pour corruption présumé…»
Revenant sur la plainte l’avocat de défense Me Sene a posé au ministère public la question à savoir, en quoi un présumé coupable chef d’entreprise sous liberté provisoire avec un bracelet électronique est une personnalité non fréquentable au point où le Président de l’assemblée nationale qui lui même était sous bracelet électronique dans un passé très récent le qualifie de corrupteur s’il était bénéficiaire du marché ?
Me Pape Sene rappelle au procureur de la république que rien ne s’oppose à ce que le sieur Cheikh Guèye participe à un marché et gagne car jusqu’à présent c’est un innocent, il enfonce davantage en citant des articles qui annulent toutes poursuites à l’encontre de son client car cette procédure arbitraire sera mentionné à Genève au moment de faire le rapport sur le respect des droits humains au Sénégal tout en précisant que c’est un ancien Président du Comité Sénégalais des Droits Humains qui vous parle.
L’un des avocats a toutefois soutenu que nous sommes en matière pénale et jusqu’à présent aucune preuve attestant que Bachir Fofana avait fait une diffusion de nouvelles fausses tout en insistant sur la nuance faite exprès par le parquet entre une nouvelle fausse et une fausse nouvelle, aucun élément concret n’a été produit par l’accusation pour démontrer l’intention délictueuse du prévenu.
Le plaignant et son avocat étaient tous les deux absents.
Le tribunal de grande instance de Dakar a mis l’affaire en délibéré pour le 9 juillet 2025. En attendant, les débats autour de cette affaire continuent de susciter de vifs échanges dans l’espace public, tant sur la place de la liberté de la presse que sur les responsabilités juridiques des journalistes dans le traitement de l’information sensible.