Le Conseil constitutionnel du Benin en a clarifié les caractéristiques principales en considérant que: « le caractère interprétatif est conféré à une loi lorsque, de la part du législateur, celle-ci est destinée à clarifier la loi interprétée par des dispositions d’éclaircissement qui s’y incorporent; qu’en tant que telle, elle ne constitue pas une nouvelle loi et, par sa nature, prend corps avec a loi interprétée quand bien même le législateur a le pouvoir d’en aménager l’effet rétroactif » (Décision DCC 20-488 DU 04 JUIN 2020).
C’est ce qui justifie l’introduction de cet amendement à la proposition de loi portant interprétation de loi portant amnistie précitée afin de circonscrire avec plus de précision son champ d’application.
Il est, en effet, utile de rappeler que le but originel de la proposition de loi interprétative était de lever toutes les équivoques et controverses sur les catégories d’infractions couvertes par la loi d’amnistie à la suite d’une rédaction ambiguë et obscure, très éloignée du Rapport fait en commission des lois lors de la présentation du projet de loi, portant amnistie, de l’évolution des normes de droit international relatives à la
protection des droits de l’homme, de leur interprétation par les instances des Nations unies et de la jurisprudence des juridictions régionales et internationales de protection des droits de l’homme sur le champ d’application des dites lois d’amnistie.
Il est tout aussi important de rappeler que lors de l’examen du projet de loi portant amnistie par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, il était expressément noté dans le Rapport que : « S’agissant de la question se rapportant aux cas de tortures ou de traitements dégradants, Madame Aissata Tal SALL, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, indiquera que ces actes sont bannis et exclus du champ d’application de cette loi. Sous ce rapport, elle fera noter que des sanctions seront prononcées s’il existe des preuves les attestant ».
Toutefois, une pareille exclusion des actes de torture du champ d’application de la loi portant amnistie ne se retrouve absolument pas dans la loi amnistie effectivement votée et promulguée. Cela pourrait laisser croire que la loi d’amnistie couvre toutes les infractions criminelles et correctionnelles, quelles qu’elles soient, dont les actes de torture, dès lors qu’ils se rapportent à des manifestations politiques ou ont une motivation politique durant la période considérée.
Cette possible interprétation du caractère illimité du champ d’application des infractions couvertes par la loi d’amnistie contreviendrait manifestement aux engagements internationaux du Sénégal au travers des divers instruments de protection des droits de L’homme qu’il a ratifiés, et engagerait sa responsabilité internationale devant les juridictions régionales et internationales qui ont, par une jurisprudence abondante et constante, posé des limites matérielles fortes à la compétence du législateur d’amnistier toutes les catégories d’infractions.
De façon concordante, la Cour de Justice de la CEDEAO, la Cour européenne des Droits de l’Homme et la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme ont considéré comme tyrannique et abusive, au regard du droit international, toute interprétation des lois d’amnistie aux fins de leur conférer le pouvoir de couvrir les violations graves des droits fondamentaux.