Depuis quelques jours, le nom de Badara Gadiaga domine les discussions politiques. Chroniqueur très en vogue, Badara Gadiaga s’est imposé comme l’un des critiques les plus virulents de Pastef et de son président, Ousmane Sonko.
À travers ses apparitions médiatiques, il embrasse ce rôle avec
une assurance remarquable, au point de devenir une cible pour certains partisans du nouveau Gouvernement. Mais par son biais, c’est un débat plus profond qui traverse la scène politique sénégalaise: celui de la liberté d’expression face au désir de contrôle. Un exemple récent : un échange vif lors de l’émission “Jakaarlo bi” entre Badara Gadiaga et le député de Pastef, Amadou Bâ.
Sur le sujet épineux de l’affaire Sweet Beauté, le chroniqueur n’a pas hésité à dire ce qu’il pensait. Devant les caméras, il a frappé fort : « Vous devriez
être discrets quand on évoque l’éthique. Votre leader a été condamné pour corruption de la jeunesse. Juste pour cela, vous ne devriez même pas intervenir. » Le ton est donné. Face à la gêne manifeste de l’élu majoritaire, Gadiaga a continué : « Le Pastef n’est pas un parti exemplaire. Vous êtes
mal placés pour donner des leçons de morale. » Des propos qui, sans surprise, ont enflammé les réseaux sociaux et provoqué l’indignation des cercles proches du pouvoir.
La réplique n’a pas tardé. Plusieurs figures du Pastef, dont la députée Mame Bousso et le responsable politique Waly Diouf Bodian, ont publiquement demandé à la justice d’intervenir suite aux déclarations
du chroniqueur. Une pression politique évidente qui soulève des questions: peut-on encore émettre librement des critiques au Sénégal, ou y a-t-il une volonté manifeste d’intimider les voix divergentes ?
D’autant que ce climat tendu n’est pas unique. L’arrestation du journaliste Bachir Fofana pour ses propos sur la gestion de l’Assemblée nationale, les poursuites antérieures contre le chroniqueur Abdou Nguer, l’opposant Moustapha Diakhaté, et maintenant, les menaces envers Badara Gadiaga, reflètent un paysage où la critique semble de moins en moins tolérée.
Dans ce contexte, la voix de Thierno Alassane Sall est venue enrichir le débat. Le président de la République des Valeurs n’a pas hésité à qualifier le Pastef de « secte » qui respecte l’État de droit uniquement lorsqu’il sert ses intérêts.
Il a eu à dénoncer une profonde hypocrisie politique, rappelant que les pastefiens, qui réclament si vite l’auto-saisine du procureur contre leurs
opposants, sont restés muets lorsque leur propre leader a publiquement attaqué les magistrats. Pour Thierno Alassane Sall, ce silence est révélateur: « Entre la République et leur parti, ils ont choisi. Et ils n’ont pas choisi la République. »
Dans ses dernières interventions, Badara Gadiaga lui-même s’est indigné de l’impunité dont bénéficierait le Premier ministre, Ousmane
Sonko, dans ses attaques contre la justice. Selon lui, « si un autre citoyen avait tenu de tels propos envers les magistrats, il serait déjà en pri-
son ». Derrière cette affirmation se cache une réalité troublante : l’idée croissante que la loi ne s’applique plus équitablement ; ce, selon les affiliations politiques.
Dès lors, la figure de Badara Gadiaga prend une nouvelle dimension. Au-delà du polémiste et du militant, il devient le symbole d’un contre-pouvoir informel. Celui qui ose exprimer tout haut ce que d’autres préfèrenpasser sous silence par prudence ou calcul. Il dérange, certes. Mais il incarne aussi une forme de résistance à la pensée unique et au verrouillage de
l’opinion. Et si l’on considère qu’une démocratie dynamique repose également sur l’ouverture laissée aux voix critiques, alors Gadiaga joue, qu’on le veuille ou non, un rôle précieux.
Si le Pastef, longtemps engagé dans la lutte pour la liberté
d’expression, sombre aujourd’hui dans l’intolérance à la
critique, c’est une alerte démocratique sérieuse. Le pouvoir change, mais les principes doivent demeurer. Faire appel à la justice contre les chroniqueurs, emprisonner des journalistes pour leurs opinions, intimider les opposants, ces pratiques que l’on dénonçait hier, sont devenues monnaie courante. L’histoire jugera. Mais en attendant, Badara Gadiaga, avec son style percutant et sans compromission, rappelle à tous
que gouverner, c’est aussi accepter la contradiction. Et que dans une République, personne pas même les vainqueurs d’hier ne devrait être à
l’abri de la critique.