Analyse comparative: 103,9 % des recettes atteintes fin 2024, contre 21,4 % début 2025! 4 005 Mds FCFA collectés fin 2024, sur seulement 1 027 Mds au T1 2025 ! Par Zaynab Sangarè
Dakar, juin 2025 – Le Ministère des Finances et du Budget du Sénégal a publié ses rapports d’exécution budgétaire pour le quatrième trimestre de l’année 2024 et le premier trimestre 2025. Ces rapports, élaborés conformément à la loi organique relative aux lois de finances et au Code de transparence dans la gestion des finances publiques, offrent un aperçu détaillé de la trajectoire économique et budgétaire du pays. Leur comparaison met en lumière des évolutions contrastées entre la fin d’année 2024, marquée par une intensité d’exécution, et un début d’année 2025 caractérisé par la prudence habituelle des premières semaines budgétaires.
À fin décembre 2024, le budget général affichait une performance robuste, avec des recettes et dons atteignant 4 005,21 milliards FCFA, soit un taux d’exécution de 103,91 % par rapport aux prévisions de la Loi de Finances Rectificative. Les dépenses s’élevaient à 6 506,16 milliards FCFA, représentant 103,70 % des crédits ouverts. Ce niveau élevé intégrait des arriérés non négligeables, notamment 146,3 milliards FCFA de subventions dues au secteur de l’énergie, 105,2 milliards FCFA pour les travaux publics, ainsi que 249,5 milliards FCFA d’investissements sur financements extérieurs non encore pris en charge par le Trésor, en raison de l’absence de couverture budgétaire. En revanche, au 31 mars 2025, les recettes et dons mobilisés s’élevaient à 1 027,82 milliards FCFA, soit 21,44 % des prévisions annuelles. Les dépenses, sur la base des ordonnancements, ont atteint 1 419,45 milliards FCFA, représentant 22,14 % des crédits de l’année, avec des chiffres encore susceptibles d’être révisés après l’adoption du Projet de Loi de Règlement.
Les recettes internes ont constitué l’axe principal de la mobilisation des ressources. Au quatrième trimestre 2024, elles ont atteint 3 877,10 milliards FCFA, représentant 96,8 % des recettes totales, avec une réalisation de 102,32 % de l’objectif annuel. Cette performance reposait sur 3 692,11 milliards FCFA de recettes fiscales et 184,99 milliards FCFA de recettes non fiscales. Comparées à 2023, ces recettes internes ont progressé de 4,07 %, tirées principalement par l’augmentation des recettes fiscales, malgré une légère baisse des recettes non fiscales. Au premier trimestre 2025, les recettes internes ont continué sur une tendance haussière, atteignant 1 019,82 milliards FCFA, soit une progression de 12,23 % par rapport à la même période de l’année précédente.
En ce qui concerne les dons extérieurs, la dynamique s’est inversée. Le quatrième trimestre 2024 avait enregistré 128,11 milliards FCFA de dons, soit une exécution exceptionnelle de 195,58 % des prévisions. Ces fonds provenaient principalement de la Banque Mondiale, de la GIZ, de l’USAID et de l’AFD. Cependant, au premier trimestre 2025, les dons se sont effondrés à 8,00 milliards FCFA, ne représentant que 3,27 % des prévisions annuelles, ce qui pourrait compromettre la mise en œuvre de certains projets d’investissement.
L’analyse des dépenses révèle une situation budgétaire marquée par d’importants arriérés à fin 2024 et par une certaine inertie au début de 2025. Les dépenses totales du quatrième trimestre 2024 s’élevaient à 6 506,16 milliards FCFA, réparties entre 4 239,02 milliards de dépenses ordinaires et 2 267,14 milliards de dépenses en capital. Ces dernières incluaient de nombreuses charges non encore liquidées. Au premier trimestre 2025, les dépenses se répartissaient en 1 130,89 milliards FCFA de dépenses ordinaires et 288,57 milliards de dépenses en capital.
Parmi les postes les plus significatifs figurent les charges financières de la dette, qui ont fortement augmenté. Elles s’élevaient à 822,32 milliards FCFA fin 2024, en hausse de 44,5 % par rapport à l’année précédente, en raison de la progression de la dette extérieure et intérieure. Au premier trimestre 2025, elles atteignaient 225,24 milliards FCFA, en hausse de près de 24 % par rapport à la même période en 2024. Les dépenses de personnel ont également poursuivi leur progression, atteignant 1 420,36 milliards FCFA en 2024, avec un taux d’exécution de 98,47 %, en lien avec l’augmentation des effectifs, notamment dans les forces de défense et de sécurité, ainsi qu’avec une hausse des dépenses sociales et des indemnités. Au premier trimestre 2025, elles se sont établies à 357,07 milliards FCFA.
Les dépenses d’acquisition de biens et services, relativement stables en 2024, ont légèrement reculé au premier trimestre 2025. Les transferts courants ont, quant à eux, augmenté de manière notable en 2024, pour atteindre 1 581,20 milliards FCFA, incluant les subventions au secteur de l’énergie. Cette tendance s’est poursuivie début 2025, les affaires économiques et l’enseignement concentrant la majorité des montants engagés.
S’agissant des dépenses en capital, elles avaient connu une nette progression en 2024, mais ont fortement ralenti début 2025. Les investissements directs de l’État, qui avaient atteint 157,90 milliards FCFA fin 2024, sont tombés à seulement 2,64 milliards FCFA au premier trimestre 2025, conséquence directe des longues procédures de passation de marchés. Les transferts en capital, après un niveau élevé de 794,85 milliards FCFA en 2024, ont reculé à 100,72 milliards FCFA au T1 2025. Les dépenses en capital financées par ressources extérieures ont également baissé, passant de 1 314,39 milliards FCFA à 185,20 milliards FCFA entre les deux périodes.
Le Fonds National de Retraite a maintenu une trajectoire stable et excédentaire. À fin 2024, il affichait un solde cumulé positif de 35,62 milliards FCFA, en hausse grâce à l’augmentation du nombre de cotisants. Ce solde restait positif au premier trimestre 2025, atteignant 11,70 milliards FCFA, avec des recettes s’établissant à 45,17 milliards FCFA pour 33,47 milliards FCFA de dépenses.
Le nombre d’organismes publics suivis est passé de 163 à 176 entre la fin de 2024 et le début de 2025. Leur dette a connu une augmentation significative, passant de 290,88 milliards FCFA à 792,88 milliards FCFA, principalement en raison d’un accroissement de la dette bancaire, notamment au niveau du FERA. L’exécution budgétaire globale de ces entités est restée en deçà des attentes en début d’année, avec un taux d’exécution global de 15,8 % au T1 2025 contre près de 62 % fin 2024.
En conclusion, les rapports d’exécution budgétaire pour le T4 2024 et le T1 2025 mettent en évidence une mobilisation des recettes satisfaisante en fin d’année, bien que plombée par d’importants arriérés. Le début de l’année 2025 est marqué par des taux d’exécution naturellement plus faibles, en particulier en matière d’investissement et de dons externes. La progression continue de la masse salariale, la charge croissante de la dette et l’augmentation préoccupante de l’endettement des organismes publics sont autant de défis à surveiller. Ces constats appellent à une vigilance accrue pour assurer la soutenabilité des finances publiques et garantir la résilience économique du pays.
Par Zaynab Sangarè, journaliste d’investigation indépendante, data journalistique