En Avril 1940, dans la ville d’Oran, en Algérie, sévit une épidémie de peste. Le préfet, l’autorité administrative habilitée à l’époque, reste indifférent aux recommandations de l’équipe médicale dirigée par le célèbre Docteur RIEUX. Il a fallu que la maladie atteigne des proportions plus qu’inquiétantes et que le préfet soit terrifié par le nombre de mort pour qu’il se décidât à prendre les mesures prophylactiques (mise en quarantaine ou confinement pour le vocabulaire actuel) conseillées, pourtant, depuis le début de l’épidémie comme stratégie de lutte contre la maladie. Du fait du comportement hésitant du préfet face à ses responsabilités historiques, l’épidémie n’avait pris fin qu’au mois de Janvier 1941 en faisant plusieurs victimes. Je viens d’évoquer les enseignements d’Albert Camus dans son œuvre mémorable : la Peste
Le comportement du Préfet d’Oran dans l’œuvre de CAMUS, c’est tout le contraire de celui des autorités Chinoises qui n’ont pas tremblé au moment de prendre leurs responsabilités face au covid-19, en optant comme stratégie la mise en quarantaine et le confinement. Presque isolée et laissée à son sort par les occidentaux qui pensaient qu’elle allait se casser les dents, la Chine a su montrer, chemin faisant, combien elle avait raison dans son choix. Aujourd’hui, ces mêmes pays occidentaux ont adopté la stratégie Chinoise après s’être cognés la tête au mur de la négligence et des mauvais choix.
Les expériences de la peste dans la ville d’Oran et du covid-19 en Chine et en occident notamment en Italie, en France et en Espagne, renseigne sur la pertinence de la batterie de mesures que vient de prendre le Président Macky SALL conformément aux recommandations de l’instance compétente.
En effet, il faut accorder une totale confiance au comité nationale de lutte contre les épidémies composé d’experts pluridisciplinaires et d’acteurs multisectoriels. Il importe également de rappeler que cette affaire n’est pas seulement du ressort des médecins et infirmiers. C’est celle de tout le monde. Nous sommes tous individuellement et collectivement des agents de santé. C’est cette approche holistique et systémique qu’un pays de la sous région avait négligée lors de l’épidémie d’Ebola avant de comprendre le rôle d’autres acteurs comme les sociologues et les anthropologues dont l’apport fut déterminant.
Le Sénégal a la chance d’avoir le ministre Abdoulaye Diouf SARR, en ce moment précis à la tête du département de la santé. J’ai eu l’occasion et l’honneur de travailler directement, de très près, avec lui et cette expérience m’a prouvé qu’il est un homme d’Etat, un travailleur infatigable et un brillant manager. Mais seul, il ne réussira rien. Il a besoin du soutien et de la solidarité de tout le monde. D’ailleurs, un républicain digne de ce nom n’aura d’autre choix que de soutenir les efforts du gouvernement quel que soit son bord comme le font la classe politique et la société civile présentement.
Nous devons revenir aux fondements du contrat social : « Il s’agit de trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune les personnes et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant »(J.J.Rousseau)
Nous devons être conscients que ce sont les peuples les plus disciplinés qui vont vaincre le covid-19. Le comportement humain individuel et collectif -car dans le cas d’espèce les deux sont étroitement liés-va déterminer le sort de cette maladie, jusqu’à la découverte d’un traitement efficace.
Les élèves et les étudiants doivent comprendre qu’ils ne sont pas en vacances, ils sont plutôt en arrêt d’activités pédagogiques dans leurs établissements pour cas de force majeure. Tout bon élève ou étudiant va en profiter pour terminer, au moins, la lecture d’un livre ou assimiler un chapitre difficile ou incompris. Face au covid-19 nous ne devons pas paniquer mais nous devons être très, très, très sérieux. Une épidémie qui harcèle les systèmes de santé des pays les plus puissants au monde, ralentit la marche du monde, défie le monde scientifique, arrête le cours normal des pratiques religieuses, à la Mecque notamment et au Sénégal, et les sports d’élites du monde entier, ce n’est pas du bluff.
Nous le savons, certains de nos compatriotes sont par ignorance ou mauvaise foi nihiliste et animés d’un esprit obscurantiste face à certaines maladies. Nous avons le devoir de leur faire comprendre que Dieu n’est pas Sénégalais. Nous devons leur faire comprendre que le covid-19 n’est pas un problème dermatologique pour que l’homme noir soit privilégié. Il ignore les races, les continents, les âges, les sexes, les ethnies, les religions, les confréries, les marabouts, les prêtres, les limites géographiques, le sang, la richesse, la pauvreté, la fonction, etc. De par notre comportement face à cette maladie, Dieu ne nous accordera aucune faveur et nous laissera, en cas de défaillance, nous prévaloir de notre propre turpitude.
Davantage, certains compatriotes qui occupent des positions importantes dans notre société doivent savoir qu’il ne s’agit pas là d’un jeu car il est question de vie de milliers de sénégalais. Je veux parler des journalistes, des comédiens et des chefs religieux. Les journalistes doivent mesurer désormais le caractère extraordinaire, sensible et vital de la situation en devenant de véritables acteurs de la lutte non pas de simples relais de diffusion d’inepties. Les comédiens doivent savoir tout simplement que ce n’est pas drôle. Nous ne devons pas en rire. Enfin, les chefs religieux doivent comprendre qu’ils seront les plus grands perdants devant Dieu et les hommes s’ils ne contribuent pas à stopper le covid-19. « lou way di niane na ci bolé wergui yaram, wergui yaram ci nguey meuna banekhou »(Thione SECK).
Khalifa DIAGNE
Psychologue Conseiller