Après le PAI (1960), le BMS (1962) et le FNS (1963)…le Pastef vient d’allonger la short-list des partis politiques dissous au Sénégal. 60 ans après les trois premières mesures de dissolution, l’histoire bégaie en 2023.
La dissolution du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’équité et la fraternité (PASTEF) a été prononcée, ce lundi 31 juillet, à travers un communiqué du ministère de l’Intérieur. Une note qui sonne comme un retour en arrière d’au moins 60 ans. En effet, au Sénégal de 2023, la dissolution de parti était considérée comme révolue. Si la comparaison est faite entre les actes posés par les présidents Senghor et Sall, les contextes sont aussi différents que les hommes.
Le premier parti politique dissout au Sénégal est le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) de Majmout Diop, en août 1960 après les élections municipales de la même année. La décision avait été annoncée par le président du Conseil, Mamadou Dia. Le PAI, qui avait profondément pénétré les masses populaires à l’époque, décida de présenter des listes aux élections municipales de 1960 dans certaines villes et notamment à Saint-Louis où sa popularité était si grande que la principale place de la ville fut baptisée Place “Mom Sa Rew” tandis que les tresses des belles Saint-Louisiennes portaient également le même nom. Les élections remportées de haute lutte par le PAI furent cependant confisqués par le pouvoir en place, UPS. Une chasse à l’homme s’en est suivie et plusieurs militants du PAI sont arrêtés dont Majmouth Diop qui fera un an en prison. Le pouvoir en profitera pour dissoudre le Parti en août.
La même démarche a été utilisée contre l’égyptologue Cheikh Anta Diop. Le scientifique a également vu deux de ses partis dissous. « Le problème de Cheikh Anta Diop avec Senghor c’était une divergence d’ordre idéologique. Il y avait une opposition très forte entre les deux », rappelle le constitutionnaliste Mouhamadou Ngouda Mboup. Cheikh Anta Diop est emprisonné pendant un mois en juillet 1962 avant que le Bloc des Masses Sénégalaise (BMS) ne soit interdit. La répression qui a suivi a poussé bon nombre de membres du bureau du parti à rejoindre l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) de Senghor et Dia. En novembre 1963, il crée donc un nouveau parti, le Front National Sénégalais (FNS) qui, n’ayant pas obtenu de récépissé gouvernemental, n’aura jamais d’existence légale.
L’histoire bégaie ! Ce même schéma qu’ont connu Majmoud Diop et Cheikh Anta Diop, semble se dessiner pour Ousmane Sonko et le parti Pastef. Plusieurs de ses cadres étaient déjà en prison avant que leur leader Ousmane Sonko ne les rejoigne. Aujourd’hui, les arrestations se poursuivent et en même temps, un doute plane sur la tête des élus. A ce jour, au moins quatre maires de Pastef ont mailles à partir avec la justice. Des questions se posent également sur le mandat des députés de Pastef.
Ces trois hommes ont tous dirigé des partis de masses même si, à ses débuts, Pastef était plutôt un parti d’intellectuels. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de retrouver au sein de Pastef des anciens du RND de Cheikh Anta Diop. Ce dernier n’a, par contre, pas eu un écho favorable auprès des masses l’a eu le PAI de Majmouth Diop qui a continué d’exister pendant 16 ans dans la clandestinité.
Aujourd’hui le Pastef semble être dans une mauvaise pente qui, si l’on ne prend garde, anéantira bon nombre d’espoirs.