La direction du Centre hospitalier national de Dalal Jamm a rendu public, hier, jeudi, un communiqué alertant sur la présence de seize (16) corps non réclamés dans sa morgue. Parmi eux, dix bébés et six adultes, dont deux sans-abri. Une situation récurrente qui, selon un responsable de l’établissement, révèle un profond dysfonctionnement institutionnel.
Dans l’anonymat et le froid des tiroirs frigorifiques, ces dépouilles attendent une sépulture depuis plusieurs semaines. Toutes ont été déposées sur réquisition d’Officiers de police judiciaire. Le phénomène n’est pas nouveau pour Dalal Jamm, un établissement connu pour n’avoir jamais refusé ni un patient ni un corps. « Nous dépassons régulièrement nos capacités de stockage », confie un responsable administratif sous couvert d’anonymat, pointant une urgence silencieuse mais répétée.
Si la législation sénégalaise prévoit un délai légal de conservation des corps, calqué sur le Code français de la santé publique, son application reste théorique. Sur le terrain, l’absence de coordination entre les hôpitaux, la police, la justice et les collectivités locales entraîne des retards considérables.
« Le problème n’est pas juridique, les lois existent, mais elles ne sont ni suivies, ni appliquées. Il faut de la volonté et du courage politique », insiste le responsable. Face à l’urgence, la direction de Dalal Jamm a obtenu une dérogation exceptionnelle de quinze jours pour prolonger la conservation des corps. Cette mesure évite des inhumations précipitées, mais ne résout en rien les problèmes structurels : lenteurs administratives et manque d’implication des autorités locales.
La présence de dix bébés parmi les seize corps abandonnés donne une dimension particulièrement tragique à cette situation. « Beaucoup sont des nouveau-nés décédés à la naissance. Certains parents, par détresse ou par peur, ne viennent pas les réclamer », explique le responsable. Au-delà des questions administratives, c’est un profond malaise social que cette situation révèle.
La procédure prévoit qu’après l’expiration du délai légal, le corps soit transféré vers un cimetière désigné par la commune. Mais dans les faits, le manque de moyens et de coordination bloque souvent le processus. « Souvent, c’est l’hôpital qui supporte les frais, alors que nous sommes une structure de santé, pas un service funéraire », déplore le responsable.
Celui-ci appelle à une refonte nationale de la gestion des corps non identifiés, en associant mairies, ministère de la Santé, Justice et forces de l’ordre. Il lance aussi un message à la société : « Beaucoup de familles ont des proches disparus, mais elles ne se déplacent pas pour vérifier. Il faut parler, écrire, agir… pour réveiller les consciences. »
En attendant, seize corps, dont dix nouveau-nés, reposent dans le silence froid de Dalal Jamm, dans l’attente d’une dignité retrouvée, rapporte L’Observateur.