A MONSIEUR LE PRESIDENT, MESDAMES ET MESSIEURS LES MEMBRES DE LA COMMISSION D’INSTRUCTION PRES LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Amadou Mansour FAYE, ancien Ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et Territorial assisté de Maîtres El Hadji Amadou SALL, El Hadji Moustapha DIOUF, El Hadji Omar YOUM, Antoine MBENGUE, Aboubakry DEH, Adama FALL, Ousmane THIAM, Ramatoulaye BA, tous Avocats à la Cour à Dakar et pour les besoins de la présente procédure, domicile est élu à l’étude de Me El Hadji Omar YOUM, 28, Rue Amadou Assane Ndoye à Dakar.
À L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER CE QUI SUIT
Par Résolution N°06/2025 du 05 Mai 2025, l’Assemblée nationale a prononcé la mise en accusation de Monsieur Amadou Mansour FAYE pour des faits d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêt, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs ; (cf. PJ 1 : Résolution de Mise en accusation)
Par mandat de comparution en date du 14 Mai 2025, il a reçu injonction de comparaître devant la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice pour l’audience du 26 Mai 2025 ; (cf. PJ 2 : Mandat de comparution)
Advenue cette date, il s’est présenté par devant vous pour se voir informé de son inculpation par la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice pour les infractions suivantes :
- association de malfaiteurs,
- concussion,
- corruption,
- prise illégale d’intérêt,
- faux et usage de faux en écritures privés de commerce ou de banque,
- détournement de deniers publics
- escroquerie portant sur des deniers publics
- blanchiment de capitaux
- complicité de ces chefs
Qu’à ce stade de la procédure, l’enjeu reste la question de la détention provisoire en raison du mandat de dépôt, au regard de l’article 140 du Code de Procédure Pénale sur la prévention de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics et de complicité des chefs d’inculpation précités même si au demeurant, il reste évident que désormais avec la réforme sur les mesures alternatives de détention, le mandat de dépôt n’est plus obligatoire pour les infractions susvisées ;
C’est pourquoi, sans préjudice de sa requête portant exception d’inconstitutionnalité déposée par devant le Président de la Commission d’instruction le 23 mai 2025 et de toute autre demande introduite conformément à la loi, le requérant entend formuler des contestations en application de l’article 140 du code de procédure pénale :
SUR LA RECEVABILITE DES CONTESTATIONS SERIEUSES
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 140 du Code de procédure pénale que : « A l’encontre des personnes poursuivies par application des articles 152 à 155 du code pénal, le juge d’instruction délivre obligatoirement :
- Mandat d’arrêt, si l’inculpé est en fuite ;
- Mandat de dépôt lorsque le montant du manquant initial est égal ou supérieur à 1 million de francs et ne fait pas l’objet d’un remboursement ou du cautionnement de son intégralité ou d’une contestation sérieuse…»
Attendu que les contestations sérieuses ont été présentées après l’inculpation, il échet de les déclarer recevables et d’y faire droit
SUR LE BIEN FONDE DES CONTESTATIONS
Le 30 janvier 2020, l’OMS, suite à des alertes sur la situation de santé en Chine, avait annoncé que le Coronavirus 2019 (COVID-19), était une « urgence de santé publique de portée internationale » avec des recommandations à l’intention de tous les pays.
Le 02 mars 2020, le Sénégal a enregistré le premier cas de COVID-19.
En réponse à la propagation rapide du virus, des mesures ont été prises par les autorités gouvernementales à travers l’adoption de textes législatifs et réglementaires à travers la définition d’un cadre institutionnel et juridique et l’élaboration d’un plan de riposte défini par le ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS).
Les prévisions économiques faites par le Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération (MEPC) dès le 1er avril 2020 avaient établi que la pandémie allait entrainer « un ralentissement de la croissance économique de 4 points de pourcentage (taux de 2,8% contre 6,8% en 2019), avec de nombreuses conséquences, tant sur les agrégats macroéconomiques que sur les indicateurs sociaux et l’atteinte des Objectifs de Développement durable (ODD). »
Pour faire face à ces effets néfastes sur les secteurs socio-économiques, l’État avait mis en place un Programme de Résilience économique et sociale (PRES) et pris les dispositions pour faciliter l’exécution diligente des dépenses liées à la lutte contre la pandémie, à travers notamment la prise des ordonnances n°004-2020 du 28 avril 2020 et n°07-2020 du 17 juin 2020 modifiant la loi n°2019-17 du 20 décembre 2019 portant loi de finances de l’année 2020.
Dans le cadre du programme de résilience économique et sociale (PRES), financé par le Fonds de Riposte contre les effets du COVID-19 dénommé « Force COVID-19 » un montant de 1.000 milliards FCFA a été mobilisé.
C’est ainsi que le ministère du développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale était chargé de la composante ‘’Appuis Alimentaires’’ et devait à ce titre acquérir des denrées alimentaires destinées à 1100 000 ménages, dans le cadre du PRES ainsi réparties :
Riz : 110.000.000 Kg en conditionnement de sacs de 50 kg
Huile : 11 000 000 de litres en conditionnement de bidon 05 ou 10 L
Sucre : 11 000 000 de Kg en conditionnement de sacs de 05 ou 10 Kg
Pâtes alimentaires : 11 000 000 de Kg en conditionnement de 05 ou 10 Kg
Savon ordinaire : 1 100 000 paquets de 18 savons
Il est important de rappeler que l’article 1 du décret n°2020-781 du 18 mars 2020 portant dérogation au Code des Marchés publics (CMP) pour les dépenses relatives à la lutte contre la COVID-19 dispose très clairement que « les travaux, fournitures et prestations de service réalisés dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 ne sont pas soumis aux dispositions du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics modifié par le décret n°2020-22 du 07 janvier 2020 » ;
Qu’en dépit des dispositions susvisées, le ministère du développement communautaire sur orientation du ministre et par souci de transparence et de préservation des deniers de l’État a tenu d’organiser un appel d’offres ouvert en procédure d’urgence avec le soutien et le conseil de l’ARMP non sans au préalable consulter par email le ministre du commerce sur les prix du marché pour les denrées à acquérir ;
En réponse à cette requête, le ministre du commerce d’alors par email en date du 26 mars 2020 a répondu en lui indiquant les prix importateurs des denrées de premières nécessités (cf. PJ 3 : Procès-verbal de constat d’huissier) ;
L’appel d’offres a été publié le 1er avril 2020 (cf. PJ 4 : Avis d’insertion dans les journaux) ;
La commission des marchés, présidée par le Directeur de l’administration générale et de l’équipement (DAGE), après ouverture et dépouillement des offres, a procédé à l’attribution des marchés notamment du riz aux fournisseurs qui répondaient au mieux aux critères de l’AO, surtout en termes de capacité et de disponibilité et qui offraient les prix les moins chers ; (cf. PJ 5 : Procès-verbal d’ouverture des prix et d’attribution de marchés)
Après la proposition d’attribution formulée par la commission des marchés, le contrat type proposé a été signé par le DAGE du ministère, les entreprises attributaires, le visa du Ministre du développement communautaire et surtout l’approbation du ministre des Finances et du Budget, le tout conformément à la loi ;
C’est sur cette opération régulière de conclusion très formaliste des contrats que la Cour de Comptes, dans sa recommandation n°55 du rapport définitif de « Contrôle de la Gestion du Fonds de Riposte et de Solidarité contre les effets de la COVID 19 (FORCE COVID) Gestion 2020-2021 » a demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre Monsieur Aliou SOW, ancien DAGE du ministère sur des faits supposés de SURFACTURATION dans l’achat du riz de la composante appuis alimentaires ;
Qu’il importe de souligner que le requérant ministre d’alors à supposer qu’il y ait « surfacturation » n’a objectivement aucune responsabilité dans l’achat de ces produits ;
N’étant ni ordonnateur, ni signataire du marché, ni membre de la commission des marchés et ayant, au demeurant, pris toutes les dispositions afin que les opérations arrêtées se fassent dans le respect absolu de la transparence et du devoir de vigilance, le requérant ne saurait nullement être tenu pour pénalement responsable d’une quelconque infraction ;
Sur le défaut de qualité d’ordonnateur de crédits de Amadou Mansour FAYE
Aux termes des dispositions de l’article 152 du Code Pénal : « Toute personne qui aura détourné ou soustrait ou tenté de détourner ou de soustraire, des deniers ou effets en tenant lieu, des pièces, titres de paiement, valeurs mobilières, actes contenant ou opérant obligation ou décharge, effets mobiliers, denrées, œuvres d’art ou objets quelconques au préjudice de l’État, d’une collectivité publique, d’un établissement public, d’une société nationale, d’une société d’économie mixte soumise de plein droit au contrôle de l’État, d’une personne morale de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, d’un ordre professionnel, d’un organisme privé chargé de l’exécution d’un service public, d’une association ou fondation reconnues d’utilité publique, sera punie:
- s’il s’agit d’un simple particulier, d’un emprisonnement d’un à cinq ans;
- s’il s’agit d’un agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, qu’il soit ou non comptable public, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’État, des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de l’exécution d’un service public, des associations ou fondations reconnues d’utilité publique, d’un emprisonnement de cinq à dix ans.
Sera également puni de cinq à dix ans d’emprisonnement tout agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, qu’il soit ou non comptable public, toute personne revêtue d’un mandat public, tout dépositaire public et tout officier public ou ministériel qui aura détourné ou soustrait ou tenté de détourner ou de soustraire des deniers ou pièces au préjudice de personnes privées, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions »
Pour assoir cette infraction, la résolution de l’Assemblée Nationale a estimé que « … les ministres ont la qualité d’ordonnateur de crédits… » ;
Sur ce point, les poursuites manquent de base légale dans la mesure où Monsieur Amadou Mansour Faye, ministre à l’époque, n’avait pas qualité d’ordonnateur des crédits au regard de la règlementation budgétaire ;
En effet, la loi organique n°2020‐07 du 26 février 2020 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2011‐15 du 08 juillet 2011 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n°2016‐34 du 23 décembre 2016 et son décret d’application 2020-978 du 20 avril 2020 portant règlement général sur la comptabilité publique n’a donné aux ministres la qualité d’ordonnateur de crédits, qualité qu’ils n’ont jamais eu au demeurant ;
Ces textes pris en application de la directive de l’UEMOA ont créé des « budget programme » au sein des ministères dont les coordonnateurs sont nommés par arrêté du ministre au début de chaque exercice budgétaire ;
Les prérogatives du Ministre en matière budgétaire se limitent uniquement au pouvoir de nomination des chefs de programmes qui se trouvent par ailleurs ordonnateur et administrateur de crédit donc responsables de l’utilisation des fonds qui leur sont allouées en application de l’article 13 de la loi organique susvisée ;
Au regard de ce qui précède, le Ministre n’a aucune responsabilité, de par la règlementation budgétaire, dans la gestion, le maniement et l’utilisation des fonds ;
En l’espèce, les fonds qui étaient prévues au chapitre des denrées étaient logés dans le compte du ministère des Finances et du Budget ;
La commission d’instruction se rendra à l’évidence que contrairement aux allégations contenues dans l’acte de mise en accusation voté par l’Assemblée nationale, Monsieur Mansour Faye n’a jamais eu la qualité d’ordonnateur de crédit ;
Et ce d’autant plus que le décret n°2020-1021 du 6 mai 2020 fixant la liste des programmes et dotations budgétaires a listé les programmes et dotation du Ministère du Développement Communautaire et de l’Équité Sociale et territoriale (cf. PJ 6: Décret n° 2020-1021 du 06 mai 2020 fixant la liste des programmes et dotations budgétaires) ;
Ce ministère n’avait que trois programmes inscrits à savoir le programme coordination et gestion administrative, le programme, développement communautaire et équité territoriale et le programme équité sociale ;
Il s’en infère que les poursuites manquent de base légale ;
Il ne pouvait en être autrement d’autant plus que la Cour des comptes, juridiction financière et institution supérieure de contrôle des finances publiques qui à ce titre contrôle la régularité des recettes et dépenses des organismes contrôlés (ordonnateurs, administrateurs de crédits, comptables publics, des ministres au plus petit agent) est exclusivement la seule institution de contrôle habilitée à identifier les manquements imputables à chaque personne contrôlée dans le cadre de sa mission de vérification ;
Or, cette institution de contrôle, en connaissance de cause n’a nullement cité Monsieur Amadou Mansour FAYE qui n’a subi aucune procédure ni de déféré encore moins de référé ;
Qu’il reste évident que si la Cour des comptes avait décelé une quelconque responsabilité imputable au requérant, elle allait le mentionner expressément dans son rapport et recommandé des poursuites au besoin ou le déféré devant sa chambre de discipline budgétaire ;
Qu’il n’en est rien !
Que ni l’Assemblée nationale encore moins une commission d’instruction ne peut en dehors de toute recommandation de la Cour des comptes engager des poursuites à l’encontre du requérant dont aucune faute administrative ni financière n’a été retenu à son encontre par la Cour des comptes ;
Sur la prétendue « surfacturation » du prix d’acquisition du riz
Sur ce point, il a été reproché à Monsieur Mansour Faye de n’avoir pas fait application de l’arrêté n°00711 du 22 mai 2013 qui a fixé le prix du riz à 245.000 FCFA la tonne et d’avoir fait recours au prix du marché soit 275.000 FCFA soit un manque à gagner de 24.999 FCFA par tonne ;
Sur la base de cette considération le montant du « surplus facturé » dans le cadre d’un appel d’offres par les fournisseurs s’établit à 2 749 927 498 FCFA est détaillé par entreprise selon le différentiel de prix ainsi qu’il suit :
- Avanti 45 000,7 tonnes pour 1 124 972 499 F CFA ;
- Afri &Co 30 000,8 tonnes pour 749 989 999 F CFA ;
- Bambouck 5 000 tonnes pour 124 995 000 F CFA ;
- CCMN pour 30 000 tonnes pour 749 970 000 F CFA ;
Soit un total de 110 001,5 tonnes pour un montant de 2 749 927 498 ;
Cette accusation est légère et ne résiste pas à l’analyse juridique des faits fusse-t-elle sommaire ;
C’est ainsi que le ministère du développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale était chargé de la composante ‘’Appuis Alimentaires’’ et devait à ce titre acquérir des denrées alimentaires destinées à 1100 000 ménages, dans le cadre du PRES ainsi réparties :
Riz : 110.000.000 Kg en conditionnement de sacs de 50 kg
Huile : 11 000 000 de litres en conditionnement de bidon 05 ou 10 L
Sucre : 11 000 000 de Kg en conditionnement de sacs de 05 ou 10 Kg
Pâtes alimentaires : 11 000 000 de Kg en conditionnement de 05 ou 10 Kg
Savon ordinaire : 1 100 000 paquets de 18 savons
Il est important de signaler un fait dès à présent. En effet la Résolution portant mise en accusation précise que « l’enquête établissait également que certains fournisseurs se sont vu octroyer plusieurs commandes à la fois (CCMN et AVANTI) et d’autres qui ont signé concomitamment pour deux sociétés différentes (AFRI et CO/AVANTI) ».
Il convient de rappeler que lorsqu’un appel à concurrence est effectué conformément au Code des Marchés public et que ledit marché est subdivisé en lot, on parle d’allotissement ;
L’allotissement consiste à diviser un marché public en lots qui sont des unités autonomes, il favorise l’accès à la commande publique des PME et favorise ainsi la concurrence entre les entreprises.
Ainsi, chaque lot, issu de ce fractionnement, correspond à un marché distinct faisant l’objet d’un marché séparé et s’oppose en cela au marché unique. On parle de mode de dévolution de la consultation et l’attribution des lots s’effectue de manière séparée.
Cette technique est bien admise par la réglementation des marchés ;
Il n’est donc pas interdit à ce qu’un soumissionnaire soumissionne à tous les lots. Cependant, le dossier d’appel d’offres (DAO) précise souvent qu’un même soumissionnaire ne pourrait pas être attributaire de plus de 2 lots en cas de soumission à plusieurs lots (voir Code des Marchés Publics).
En passation des marchés, lorsqu’on procède à un appel d’offres ouvert, le mot surfacturation n’a pas lieu d’être parce que le marché est attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre conforme et mieux disant en termes de prix et de délai.
La consultation du rapport d’analyse des offres et d’évaluation des offres montre carrément que sur les 30 soumissionnaires, les attributaires désignés ont présenté des offres jugées conformes avec des prix bas parce que les prix variaient de 275 000 jusqu’à 380 000 pour certains et il faut se rappeler le contexte dans lequel les offres avaient été faites.
Il s’agissait d’un contexte où il y’avait une pénurie parce le marché céréalier avait connu une inflation donc la surfacturation ne peut être invoquée ainsi que la prise d’intérêts car les articles 43 et 44 du Code des Marchés publics indiquent clairement que ceux qui soumissionnent aux appels d’offres doivent justifier de leur capacité technique et financière ; ceux sont des entreprises connues qui ont soumissionné à des produits et qui ont livrés et la distribution s’en est suivi.
Il convient de rappeler que ces commandes ont été faites dans le contexte particulier de la Pandémie Covid 19 , période durant laquelle le Président de la République, dans un souci d’efficacité a pris le décret n°2020-781 du 18 mars 2020 portant dérogation au code des marchés publics pour les dépenses relatives à la lutte contre le COVID 19 ;
Malgré ce décret, dans un souci de transparence, Monsieur Amadou Mansour Faye a pris le soin d’adresser une correspondance à l’Agence de Régulation des Marchés Publics pour solliciter leur appui et leur accompagnement dans le processus d’acquisition et de distribution des denrées ; (cf. PJ 7 lettre n°27/MDCEST/DAGE du 30 mars 2020)
Par lettre datée du 2 avril 2020, l’ARMP lui a rappelé que ses acquisitions n’étaient pas soumises aux dispositions du code de marché public, tout en saluant son souci de faire prévoir les règles de bonne gouvernance à travers un encadrement du processus d’achat. (cf. PJ 8 : réponse de l’ARMP)
L’ARMP, lui avait toutefois indiqué la démarche à suivre à savoir, la publication d’un avis de passation de marché, l’utilisation des services de la commission et de la cellule des marchés pour l’ouverture des prix, d’évaluation des offres et l’attribution des marchés et en dresser procès-verbal entre autres ;
Toute cette procédure a été méticuleusement respectée par les services du Ministère (cf. PJ 4 et 5)
Les offres retenues ont été celles mieux disantes et en adéquation avec les prix du marché (cf. PJ 9 : rapport 2020 ANSD)
D’ailleurs, le requérant avait saisi sa collègue du Commerce afin d’avoir les prix du marché relatifs aux denrées devant être distribués ;
Cette dernière lui a communiqué par mail les prix et aucune attribution n’a été faite au-delà des prix communiqués (cf. PJ 3) ;
Au surplus, la Cour des comptes, pour établir la surfacturation, se base sur l’arrêté portant administration des prix de l’huile en fut et en dosette, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé de 2013 ayant en vertu des dispositions de l’article 43 de la loi 94 – 63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique une durée de deux mois renouvelables une fois ;
Que cela résulte clairement des dispositions de de l’article 43 de loi précitée qui prévoit que des mesures temporaires contre les hausses excessives des prix, « peuvent être prises par arrêté du Ministre du Commerce et dont la durée d’application ne peut excéder 2 mois renouvelables une fois ».
Comparer les prix du riz en 2013 au prix de 2020 n’est ni logique, ni pertinent dans un contexte exceptionnel de crise avec une forte appréciation du dollar, les difficultés d’approvisionnement, la rupture des chaines logistiques, les rétentions effectuées par certains pays producteurs sur des produits alimentaires et pharmaceutiques ainsi que les déficits de production en raison des mesures de confinement ;
D’ailleurs, durant la même période, l’indice des prix évalué par l’ANSD sur la période de mars-avril 2020 laisse clairement apparaître que les prix du riz avaient connu une forte inflation ;
En effet, la note produite par l’Agence Nationale de la Statistique et de la démographie (ANSD) « Les repères Statistiques d’Avril 2020 » indique clairement que les cours mondiaux du riz en avril 2020 étaient de Trois Cent Trente Huit Milles Deux Quatre Vingt Treize francs (338 293 FCFA) la Tonne ; (cf. PJ 9 : « Les repères Statistiques d’Avril 2020 » publié par l’ANSD )
Mieux, sur la même période, le Commissariat à la sécurité alimentaire, organe sous tutelle de la primature, logé au secrétariat du gouvernement, dans le bulletin « Synthèse Mensuelle de la Situation des Marchés Agropastoraux N°386-Mai 2020 » a également soutenu que le prix du riz importé brisé non parfumé oscillait entre 320 000 et 325 000 FCFA la Tonne. (Cf. PJ 10 : synthèse mensuelle des Marchés Agropastoraux)
Or, la réglementation des prix au Sénégal interdit formellement la vente à perte considérée comme une concurrence déloyale ;
Bien évidemment, par patriotisme, les fournisseurs attributaires (5 sur les 30 soumissionnaires) ont vendu le riz à un prix très juste soit à 275.000 (y compris les frais de manutention) la tonne réduisant ainsi au maximum leur marge bénéficiaires contrairement aux prix du marché permettant ainsi à l’État du Sénégal d’économiser près de 5 milliards de F CFA ;
Que la loi de 1994 sur les prix rappelle expressément que « les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence » ;
Face à une telle disposition légale, il est aberrant d’évoquer un arrêté datant de plus de 7 ans manifestement caduc pour fixer des prix d’une denrée dont tous les rapports tant du ministère du commerce, régulateur par essence des prix et de toutes les autorités compétentes démontrent à suffisance son caractère désuet voire obsolète ;
Est-ce, d’autant plus qu’en dépit de « l’existence prétendue » de l’arrêté de 2013, alors même qu’aucun autre arrêté a été pris entre 2013 et 2024, les prix des denrées particulièrement du riz ont connu des évolutions notables entre 2021 et 2025 ;
En effet, le directeur du commerce intérieur en poste en 2021, Oumar Diallo, dans une interview accordée à l’APS, reprise par SENEWEB, était revenu sur l’évolution haussière des prix du riz importé au Sénégal, conséquence de mauvaises récoltes découlant d’une pluviométrie déficitaire dans ce pays.
Dans cette interview il disait textuellement que “Le riz indien, principal riz importé et consommé au Sénégal, connaît des perturbations en raison de la conjoncture économique liée à la hausse des prix au niveau de l’Inde, conséquence des mauvaises récoltes découlant d’une pluviométrie déficitaire”, a-t-il expliqué lors d’un Conseil national de la consommation tenu le même jour à Dakar.
Les répercussions de la situation de l’Inde ont été négatives au Sénégal en lien avec une hausse générale des prix à l’international, mais surtout du fait des difficultés d’approvisionnement du marché national.
Selon lui, il a été par conséquent constaté une évolution des prix du riz brisé ordinaire de 260 francs CFA le kg au détail à 360 CFA à Dakar ; Cette hausse du riz s’est poursuivie jusqu’en 2022 avant que le Gouvernement, sur instruction du Président de la République décide de suspendre les droits de douane pour soulager les ménages Sénégalais.
C’est ainsi que le ministre du commerce d’alors Mme Assome Diatta avait annoncé la baisse des prix sur le marché annoncé ainsi :
- l’huile de 1200 FCFA passe à 1100 FCFA le litre, soit une baisse de 100 FCFA par litre ;
- le riz brisé non parfumé passe de 15.000 FCFA le sac de 50 kg à 13.750 FCFA, soit une baisse de 25 FCFA par Kg ;
- le sucre passe de 625 FCFA à 600 FCFA, soit 25 FCFA/Kg.
Par ailleurs, le Président de la République a décidé d’allouer une subvention de 32 F sur le kilogramme de riz paddy. Ce qui porte le prix au producteur à 162 FCFA. Ces mesures devraient avoir un impact aussi bien au niveau de la mobilisation des recettes qu’au niveau budgétaire pour un montant global annuel de près de 50 milliards FCFA.
En 2023, les prix du riz au Sénégal variaient en fonction de la qualité et de la région. Le prix moyen du riz brisé ordinaire était d’environ 450 FCFA le kilogramme dans les zones rurales et un peu moins dans les villes, selon un article de Senenews. Le prix du riz de qualité supérieure pouvait atteindre 500 FCFA le kilogramme, selon un bulletin de l’Association nationale de développement agricole du Sénégal (ANDAS).
Le gouvernement avait mis une enveloppe de subvention d’environ 300 milliards de FCFA pour pouvoir obtenir et annoncer une baisse des prix du riz brisé ordinaire, passant de 410 à 350 FCFA le kilogramme ;
En 2024, une flambée des prix est encore notée sur le marché sénégalais ;
En effet, l’Inde principal exportateur a décidé de suspendre ses exportations de riz excepté le basmati.
Ainsi la tonne de riz brisé à l’import est ressortie à 375.000 FCFA la tonne ; le prix en gros, à 379000 Fcfa et le demi-gros à 385000 F Cfa.
A Dakar, le sac de 50 kg de riz brisé avait atteint 25 000 FCFA ;
Ce n’est qu’en juin 2024, qu’à la suite de concertations avec les importateurs et les consommateurs que le Gouvernement a pris des mesures provisoires de baisse matérialisées par l’arrêté 09852 du 24 juin 2024 pour fixer de nouveaux prix des denrées alimentaires ;
Le tableau des prix plafonds annexé à l’arrêté susvisé permet de mieux comprendre le phénomène naturel de l’inflation des prix résultante de l’offre et de la demande ;
Le requérant tient à rappeler que les marchés en ont été passés conformément au code des marchés publics en vigueur à l’époque et ce, nonobstant la dérogation accordée aux autorités contractantes passant des marchés relatifs aux achats liés à la pandémie à Covid.
Ainsi, le marché d’achats de riz a été passé par la commission des marchés à laquelle ne participe pas le Ministre Mansour FAYE suivant les procédures édictées par décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics (voir avis d’appel d’offre, PV d’ouverture des plis, PV d’attribution, correspondances avec ARMP.)
De la même manière que le Ministre Mansour FAYE ne pouvait s’immiscer dans la procédure de passation, il ne pouvait nullement l’être dans l’exécution financière.
En effet, l’enveloppe allouée à son département au titre de I‘opération de l’aide alimentaire était fixée à 69 milliards de FCFA.
Une partie de cette enveloppe, soit 59 milliards de FCFA était logée à la Direction générale du Budget du Ministre en charge des Finances.
Ce montant de 59 milliards de FCFA était géré par le coordonnateur dudit ministère, le reliquat de 10 milliards logé dans le compte de dépôt intitulé MDCEST FORCE COVID-19 ouvert dans les livres du payeur général au nom du Ministère du Développement communautaire et de l’Équité sociale et territoriale.
Ce schéma d’exécution des dépenses publiques ne fait intervenir le Ministre qu’à titre de facilitateur entre son département et son collègue des finances et du budget seul ordonnateur et comptable des fonds en question.
Le Ministre des finances est d’autant seul ordonnateur et comptable des fonds que l’article 29 du code des marchés dispose que « les marchés de l’État sont approuvés par le Ministre chargé des finances lorsque le montant est égal ou supérieur à 300 000 000 FCFA … »
Qu’en l’espèce le marché en cause est de loin de plus de 300 000 000 FCFA et l’article 85 du code des marchés publics dispose que « les marchés signés sont soumis à l’approbation des autorités visées à l’article 29 du présent décret, en fonction de leurs montants. L’approbation achève la procédure de passation des marchés. »
Que donc si le marché a pu être attribué et exécuté, il a bien fallu l’approbation du ministère des Finances et en conséquence aucune responsabilité ne peut être recherchée dans le cadre de ce marché sans commencer par celle du ministre des finances approbateur du marché conformément à la loi ;
Qu’il s’y ajoute que le riz a été acheté à la suite d’un appel d’offres ;
Dans une procédure d’appel d’offres, il demeure absurde d’évoquer une surfacturation car le seul critère d’attribution reste l’offre la mieux disante ;
Une attribution sur cette base est légale et régulière ;
Que par jugement en date du 20 mai 2011, le tribunal de Dakar statuant en matière correctionnelle dans une affaire similaire a valablement jugé que dans un contrat de marché public la surfacturation consiste « à facturer des quantités non exécutées ou non livrées ou à établir des factures sur la base d’un prix supérieur au prix contractuel » ; (cf. PJ 11 : jugement n° n°459 du 20 Mai 2011 rendu par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar)
Que dès lors, si le prix facturé et payé correspond au prix contractuellement fixé par les parties, dans un contrat qui est la loi des parties, il est bien entendu légalement injustifié voire inapproprié d’évoquer une quelconque surfacturation ;
Il est en outre curieux que le Rapport puisse incriminer le ministère de l’Équité Sociale de surfacturation alors que dans le même rapport, le ministère de la Fonction publique a acheté du riz à 380 F CFA kilo soit 380.000 FCFA la tonne sans pour autant faire l’objet de poursuites ;
Il en est de même pour le sucre fixé dans l’arrêté de 2013 a 240.000 F CFA la tonne et acquis à 686.495 F CFA la tonne ; (cf. page 122 rapport Force Covid Tableau 163)
Curieusement, la Cour des comptes a pris en considération dans son rapport final les mêmes observations formulées sur la caducité de l’arrêté sur le sucre et n’a pas cru devoir l’appliquer au riz alors que ces 2 produits étaient administrés par l’arrêté susvisé et qu’il existait un différentiel entre le prix pratiqué et le prix fixé par ledit arrêté ;
Que les mêmes causes produisant les mêmes effets, la conclusion de la Cour des comptes manque manifestement de pertinence et de base légale ;
La procédure d’attribution de marchés ayant été faites conformément à la loi et selon les prix en vigueur sur le marché, l’infraction de détournement de deniers publics ne peut valablement être retenu à l’encontre de Monsieur Amadou Mansour FAYE ;
SUR L’ESCROQUERIE
L’article 153 du Code Pénal dispose « Toute personne désignée au premier alinéa de l’article précédent qui aura obtenu ou tenté d’obtenir frauduleusement de l’État, d’une collectivité publique, d’une société nationale ou d’une société d’économie mixte soumise de plein droit au contrôle de l’État, au moyen de pièces fausses ou de manœuvres quelconques, des sommes d’argent ou des avantages matériels indus, sera punie des mêmes peines suivant les mêmes distinctions qu’à l’article précédent.
Sera également puni de cinq à dix ans d’emprisonnement, tout agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, toute personne revêtue d’un mandat public, tout dépositaire public ou officier public ou ministériel qui aura obtenu ou tenté d’obtenir frauduleusement d’une personne privée au moyen de pièces fausses ou de manœuvres quelconques, des sommes d’argent ou des avantages matériels indus à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »
Ainsi, l’escroquerie suppose soit l’usage de fausse qualité ou de manœuvres frauduleuses ayant conduit à une remise de fonds ;
Or, le Rapport Force Covid établi par la cour des comptes, fondement à l’accusation n’a démontré, ni offert de démontrer l’usage de fausses pièces quelconques ou de manœuvres frauduleuses pouvant étayer l’infraction d’escroquerie ;
Le rapport se borne tout au plus à formuler des recommandations pour des poursuites judicaires à l’encontre du DAGE Aliou Sow ;
Rien dans l’attitude ou des agissements de Amadou Mansour Faye n’a permis de révéler des indices graves et concordants allant dans le sens d’assoir l’infraction d’escroquerie ;
D’autant plus que les pièces comptables qui ont présidé au décaissement par le ministère des Finances n’ont à ce jour été arguées de fausses ;
Il s’y ajoute que tout le processus d’acquisition du riz a obéi au strict respect des procédures de passation et d’attribution de marchés ;
Il y’a eu appel d’offre, appel à concurrence, dépouillement et choix des attributaires moins disant qui ont livrés la marchandise et qui ont été payé par les services de l’état ;
Ni les fausses pièces, encore moins les manœuvres frauduleuses n’ont pu être étayées ;
Il ne résulte d’aucun élément du dossier que la remise des fonds a été provoquée par un faux ou des manœuvre frauduleuses ;
Il s’en infère que l’infraction de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics ou de complicité de ces chefs n’est constituée ;
Ainsi, relativement aux faits qui lui sont imputés à tort, il existe de sérieuses contestations à la fois factuelles et juridiques, suffisamment motivées par les pièces objectives annexées à la présente requête, et par le principe sacro-saint qui est de rigueur en Droit Pénal et selon lequel, la responsabilité pénale est individuelle et personnelle ;
En conséquence, sous le bénéfice des dispositions de l’article 140-2e in fine du Code de Procédure Pénale, le requérant sollicite qu’il vous plaise Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres de la Commission d’Instruction de la Haute Cour de Justice, bien vouloir lui faire bénéficier de la liberté provisoire, si par extraordinaire vous estimiez devoir l’inculper des chefs de détournement de deniers publics et d’escroquerie portant sur des deniers publics ;
Qu’il s’y ajoute que sa mise en liberté ne présente aucun risque de trouble à l’ordre public et aucun risque de collision ou d’entente entre témoins et acteurs, les enquêtes étant déjà effectuées par la police et le juge d’instruction saisi
Que cette affaire a fait l’objet de plusieurs enquêtes engagées depuis 2022 ;
Au surplus, le requérant présente de sérieuses garanties de représentation ;
Si par extraordinaire, la commission d’instruction devrait suivre les accusations de l’Assemblée nationale en retenant les infractions de détournement de deniers publics, d’escroquerie, de complicité d’escroquerie sur deniers publics et de blanchiment de capitaux, en rejetant les contestations sérieuses, il lui appartiendra de constater que le requérant offre de sérieuses garanties de représentation ;
Il est régulièrement domicilié à Saint Louis ;
Il est maire élu au suffrage universel à la ville de Saint-Louis ;
Il s’est volontairement présenté à la DIC pour recevoir la notification de son mandat de comparution ;
Il s’est volontairement présenté devant la juridiction de céans et ne s’est jamais opposé encore moins entravé la marche de la justice ;
Il a confiance en la justice de son pays et entend collaborer à la manifestation de la vérité judiciaire ;
Qu’il est de bon droit de lui faire application au besoin de l’application des nouvelles dispositions relatives à l’aménagement de la détention qui réforment clairement le caractère obligatoire du mandat de dépôt comme le laisse apparaître l’article 138-7 du code de procédure pénale ;
Et
REQUETE AUX FINS DE CONTESTATIONS SERIEUSES
A MONSIEUR LE PRESIDENT, MESDAMES ET MESSIEURS LES MEMBRES DE LA COMMISSION D’INSTRUCTION PRES LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Amadou Mansour FAYE, ancien Ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et Territorial assisté de Maîtres El Hadji Amadou SALL, El Hadji Moustapha DIOUF, El Hadji Omar YOUM, Antoine MBENGUE, Aboubakry DEH, Adama FALL, Ousmane THIAM, Ramatoulaye BA, tous Avocats à la Cour à Dakar et pour les besoins de la présente procédure, domicile est élu à l’étude de Me El Hadji Omar YOUM, 28, Rue Amadou Assane Ndoye à Dakar.
À L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER CE QUI SUIT
Par Résolution N°06/2025 du 05 Mai 2025, l’Assemblée nationale a prononcé la mise en accusation de Monsieur Amadou Mansour FAYE pour des faits d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêt, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs ; (cf. PJ 1 : Résolution de Mise en accusation)
Par mandat de comparution en date du 14 Mai 2025, il a reçu injonction de comparaître devant la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice pour l’audience du 26 Mai 2025 ; (cf. PJ 2 : Mandat de comparution)
Advenue cette date, il s’est présenté par devant vous pour se voir informé de son inculpation par la commission d’instruction de la Haute Cour de Justice pour les infractions suivantes :
- association de malfaiteurs,
- concussion,
- corruption,
- prise illégale d’intérêt,
- faux et usage de faux en écritures privés de commerce ou de banque,
- détournement de deniers publics
- escroquerie portant sur des deniers publics
- blanchiment de capitaux
- complicité de ces chefs
Qu’à ce stade de la procédure, l’enjeu reste la question de la détention provisoire en raison du mandat de dépôt, au regard de l’article 140 du Code de Procédure Pénale sur la prévention de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics et de complicité des chefs d’inculpation précités même si au demeurant, il reste évident que désormais avec la réforme sur les mesures alternatives de détention, le mandat de dépôt n’est plus obligatoire pour les infractions susvisées ;
C’est pourquoi, sans préjudice de sa requête portant exception d’inconstitutionnalité déposée par devant le Président de la Commission d’instruction le 23 mai 2025 et de toute autre demande introduite conformément à la loi, le requérant entend formuler des contestations en application de l’article 140 du code de procédure pénale :
SUR LA RECEVABILITE DES CONTESTATIONS SERIEUSES
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 140 du Code de procédure pénale que : « A l’encontre des personnes poursuivies par application des articles 152 à 155 du code pénal, le juge d’instruction délivre obligatoirement :
- Mandat d’arrêt, si l’inculpé est en fuite ;
- Mandat de dépôt lorsque le montant du manquant initial est égal ou supérieur à 1 million de francs et ne fait pas l’objet d’un remboursement ou du cautionnement de son intégralité ou d’une contestation sérieuse…»
Attendu que les contestations sérieuses ont été présentées après l’inculpation, il échet de les déclarer recevables et d’y faire droit
SUR LE BIEN FONDE DES CONTESTATIONS
Le 30 janvier 2020, l’OMS, suite à des alertes sur la situation de santé en Chine, avait annoncé que le Coronavirus 2019 (COVID-19), était une « urgence de santé publique de portée internationale » avec des recommandations à l’intention de tous les pays.
Le 02 mars 2020, le Sénégal a enregistré le premier cas de COVID-19.
En réponse à la propagation rapide du virus, des mesures ont été prises par les autorités gouvernementales à travers l’adoption de textes législatifs et réglementaires à travers la définition d’un cadre institutionnel et juridique et l’élaboration d’un plan de riposte défini par le ministère de la Santé et de l’Action sociale (MSAS).
Les prévisions économiques faites par le Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération (MEPC) dès le 1er avril 2020 avaient établi que la pandémie allait entrainer « un ralentissement de la croissance économique de 4 points de pourcentage (taux de 2,8% contre 6,8% en 2019), avec de nombreuses conséquences, tant sur les agrégats macroéconomiques que sur les indicateurs sociaux et l’atteinte des Objectifs de Développement durable (ODD). »
Pour faire face à ces effets néfastes sur les secteurs socio-économiques, l’État avait mis en place un Programme de Résilience économique et sociale (PRES) et pris les dispositions pour faciliter l’exécution diligente des dépenses liées à la lutte contre la pandémie, à travers notamment la prise des ordonnances n°004-2020 du 28 avril 2020 et n°07-2020 du 17 juin 2020 modifiant la loi n°2019-17 du 20 décembre 2019 portant loi de finances de l’année 2020.
Dans le cadre du programme de résilience économique et sociale (PRES), financé par le Fonds de Riposte contre les effets du COVID-19 dénommé « Force COVID-19 » un montant de 1.000 milliards FCFA a été mobilisé.
C’est ainsi que le ministère du développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale était chargé de la composante ‘’Appuis Alimentaires’’ et devait à ce titre acquérir des denrées alimentaires destinées à 1100 000 ménages, dans le cadre du PRES ainsi réparties :
Riz : 110.000.000 Kg en conditionnement de sacs de 50 kg
Huile : 11 000 000 de litres en conditionnement de bidon 05 ou 10 L
Sucre : 11 000 000 de Kg en conditionnement de sacs de 05 ou 10 Kg
Pâtes alimentaires : 11 000 000 de Kg en conditionnement de 05 ou 10 Kg
Savon ordinaire : 1 100 000 paquets de 18 savons
Il est important de rappeler que l’article 1 du décret n°2020-781 du 18 mars 2020 portant dérogation au Code des Marchés publics (CMP) pour les dépenses relatives à la lutte contre la COVID-19 dispose très clairement que « les travaux, fournitures et prestations de service réalisés dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 ne sont pas soumis aux dispositions du décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des Marchés publics modifié par le décret n°2020-22 du 07 janvier 2020 » ;
Qu’en dépit des dispositions susvisées, le ministère du développement communautaire sur orientation du ministre et par souci de transparence et de préservation des deniers de l’État a tenu d’organiser un appel d’offres ouvert en procédure d’urgence avec le soutien et le conseil de l’ARMP non sans au préalable consulter par email le ministre du commerce sur les prix du marché pour les denrées à acquérir ;
En réponse à cette requête, le ministre du commerce d’alors par email en date du 26 mars 2020 a répondu en lui indiquant les prix importateurs des denrées de premières nécessités (cf. PJ 3 : Procès-verbal de constat d’huissier) ;
L’appel d’offres a été publié le 1er avril 2020 (cf. PJ 4 : Avis d’insertion dans les journaux) ;
La commission des marchés, présidée par le Directeur de l’administration générale et de l’équipement (DAGE), après ouverture et dépouillement des offres, a procédé à l’attribution des marchés notamment du riz aux fournisseurs qui répondaient au mieux aux critères de l’AO, surtout en termes de capacité et de disponibilité et qui offraient les prix les moins chers ; (cf. PJ 5 : Procès-verbal d’ouverture des prix et d’attribution de marchés)
Après la proposition d’attribution formulée par la commission des marchés, le contrat type proposé a été signé par le DAGE du ministère, les entreprises attributaires, le visa du Ministre du développement communautaire et surtout l’approbation du ministre des Finances et du Budget, le tout conformément à la loi ;
C’est sur cette opération régulière de conclusion très formaliste des contrats que la Cour de Comptes, dans sa recommandation n°55 du rapport définitif de « Contrôle de la Gestion du Fonds de Riposte et de Solidarité contre les effets de la COVID 19 (FORCE COVID) Gestion 2020-2021 » a demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre Monsieur Aliou SOW, ancien DAGE du ministère sur des faits supposés de SURFACTURATION dans l’achat du riz de la composante appuis alimentaires ;
Qu’il importe de souligner que le requérant ministre d’alors à supposer qu’il y ait « surfacturation » n’a objectivement aucune responsabilité dans l’achat de ces produits ;
N’étant ni ordonnateur, ni signataire du marché, ni membre de la commission des marchés et ayant, au demeurant, pris toutes les dispositions afin que les opérations arrêtées se fassent dans le respect absolu de la transparence et du devoir de vigilance, le requérant ne saurait nullement être tenu pour pénalement responsable d’une quelconque infraction ;
Sur le défaut de qualité d’ordonnateur de crédits de Amadou Mansour FAYE
Aux termes des dispositions de l’article 152 du Code Pénal : « Toute personne qui aura détourné ou soustrait ou tenté de détourner ou de soustraire, des deniers ou effets en tenant lieu, des pièces, titres de paiement, valeurs mobilières, actes contenant ou opérant obligation ou décharge, effets mobiliers, denrées, œuvres d’art ou objets quelconques au préjudice de l’État, d’une collectivité publique, d’un établissement public, d’une société nationale, d’une société d’économie mixte soumise de plein droit au contrôle de l’État, d’une personne morale de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, d’un ordre professionnel, d’un organisme privé chargé de l’exécution d’un service public, d’une association ou fondation reconnues d’utilité publique, sera punie:
- s’il s’agit d’un simple particulier, d’un emprisonnement d’un à cinq ans;
- s’il s’agit d’un agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, qu’il soit ou non comptable public, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’État, des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de l’exécution d’un service public, des associations ou fondations reconnues d’utilité publique, d’un emprisonnement de cinq à dix ans.
Sera également puni de cinq à dix ans d’emprisonnement tout agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, qu’il soit ou non comptable public, toute personne revêtue d’un mandat public, tout dépositaire public et tout officier public ou ministériel qui aura détourné ou soustrait ou tenté de détourner ou de soustraire des deniers ou pièces au préjudice de personnes privées, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions »
Pour assoir cette infraction, la résolution de l’Assemblée Nationale a estimé que « … les ministres ont la qualité d’ordonnateur de crédits… » ;
Sur ce point, les poursuites manquent de base légale dans la mesure où Monsieur Amadou Mansour Faye, ministre à l’époque, n’avait pas qualité d’ordonnateur des crédits au regard de la règlementation budgétaire ;
En effet, la loi organique n°2020‐07 du 26 février 2020 abrogeant et remplaçant la loi organique n°2011‐15 du 08 juillet 2011 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n°2016‐34 du 23 décembre 2016 et son décret d’application 2020-978 du 20 avril 2020 portant règlement général sur la comptabilité publique n’a donné aux ministres la qualité d’ordonnateur de crédits, qualité qu’ils n’ont jamais eu au demeurant ;
Ces textes pris en application de la directive de l’UEMOA ont créé des « budget programme » au sein des ministères dont les coordonnateurs sont nommés par arrêté du ministre au début de chaque exercice budgétaire ;
Les prérogatives du Ministre en matière budgétaire se limitent uniquement au pouvoir de nomination des chefs de programmes qui se trouvent par ailleurs ordonnateur et administrateur de crédit donc responsables de l’utilisation des fonds qui leur sont allouées en application de l’article 13 de la loi organique susvisée ;
Au regard de ce qui précède, le Ministre n’a aucune responsabilité, de par la règlementation budgétaire, dans la gestion, le maniement et l’utilisation des fonds ;
En l’espèce, les fonds qui étaient prévues au chapitre des denrées étaient logés dans le compte du ministère des Finances et du Budget ;
La commission d’instruction se rendra à l’évidence que contrairement aux allégations contenues dans l’acte de mise en accusation voté par l’Assemblée nationale, Monsieur Mansour Faye n’a jamais eu la qualité d’ordonnateur de crédit ;
Et ce d’autant plus que le décret n°2020-1021 du 6 mai 2020 fixant la liste des programmes et dotations budgétaires a listé les programmes et dotation du Ministère du Développement Communautaire et de l’Équité Sociale et territoriale (cf. PJ 6: Décret n° 2020-1021 du 06 mai 2020 fixant la liste des programmes et dotations budgétaires) ;
Ce ministère n’avait que trois programmes inscrits à savoir le programme coordination et gestion administrative, le programme, développement communautaire et équité territoriale et le programme équité sociale ;
Il s’en infère que les poursuites manquent de base légale ;
Il ne pouvait en être autrement d’autant plus que la Cour des comptes, juridiction financière et institution supérieure de contrôle des finances publiques qui à ce titre contrôle la régularité des recettes et dépenses des organismes contrôlés (ordonnateurs, administrateurs de crédits, comptables publics, des ministres au plus petit agent) est exclusivement la seule institution de contrôle habilitée à identifier les manquements imputables à chaque personne contrôlée dans le cadre de sa mission de vérification ;
Or, cette institution de contrôle, en connaissance de cause n’a nullement cité Monsieur Amadou Mansour FAYE qui n’a subi aucune procédure ni de déféré encore moins de référé ;
Qu’il reste évident que si la Cour des comptes avait décelé une quelconque responsabilité imputable au requérant, elle allait le mentionner expressément dans son rapport et recommandé des poursuites au besoin ou le déféré devant sa chambre de discipline budgétaire ;
Qu’il n’en est rien !
Que ni l’Assemblée nationale encore moins une commission d’instruction ne peut en dehors de toute recommandation de la Cour des comptes engager des poursuites à l’encontre du requérant dont aucune faute administrative ni financière n’a été retenu à son encontre par la Cour des comptes ;
Sur la prétendue « surfacturation » du prix d’acquisition du riz
Sur ce point, il a été reproché à Monsieur Mansour Faye de n’avoir pas fait application de l’arrêté n°00711 du 22 mai 2013 qui a fixé le prix du riz à 245.000 FCFA la tonne et d’avoir fait recours au prix du marché soit 275.000 FCFA soit un manque à gagner de 24.999 FCFA par tonne ;
Sur la base de cette considération le montant du « surplus facturé » dans le cadre d’un appel d’offres par les fournisseurs s’établit à 2 749 927 498 FCFA est détaillé par entreprise selon le différentiel de prix ainsi qu’il suit :
- Avanti 45 000,7 tonnes pour 1 124 972 499 F CFA ;
- Afri &Co 30 000,8 tonnes pour 749 989 999 F CFA ;
- Bambouck 5 000 tonnes pour 124 995 000 F CFA ;
- CCMN pour 30 000 tonnes pour 749 970 000 F CFA ;
Soit un total de 110 001,5 tonnes pour un montant de 2 749 927 498 ;
Cette accusation est légère et ne résiste pas à l’analyse juridique des faits fusse-t-elle sommaire ;
C’est ainsi que le ministère du développement communautaire et de l’équité sociale et territoriale était chargé de la composante ‘’Appuis Alimentaires’’ et devait à ce titre acquérir des denrées alimentaires destinées à 1100 000 ménages, dans le cadre du PRES ainsi réparties :
Riz : 110.000.000 Kg en conditionnement de sacs de 50 kg
Huile : 11 000 000 de litres en conditionnement de bidon 05 ou 10 L
Sucre : 11 000 000 de Kg en conditionnement de sacs de 05 ou 10 Kg
Pâtes alimentaires : 11 000 000 de Kg en conditionnement de 05 ou 10 Kg
Savon ordinaire : 1 100 000 paquets de 18 savons
Il est important de signaler un fait dès à présent. En effet la Résolution portant mise en accusation précise que « l’enquête établissait également que certains fournisseurs se sont vu octroyer plusieurs commandes à la fois (CCMN et AVANTI) et d’autres qui ont signé concomitamment pour deux sociétés différentes (AFRI et CO/AVANTI) ».
Il convient de rappeler que lorsqu’un appel à concurrence est effectué conformément au Code des Marchés public et que ledit marché est subdivisé en lot, on parle d’allotissement ;
L’allotissement consiste à diviser un marché public en lots qui sont des unités autonomes, il favorise l’accès à la commande publique des PME et favorise ainsi la concurrence entre les entreprises.
Ainsi, chaque lot, issu de ce fractionnement, correspond à un marché distinct faisant l’objet d’un marché séparé et s’oppose en cela au marché unique. On parle de mode de dévolution de la consultation et l’attribution des lots s’effectue de manière séparée.
Cette technique est bien admise par la réglementation des marchés ;
Il n’est donc pas interdit à ce qu’un soumissionnaire soumissionne à tous les lots. Cependant, le dossier d’appel d’offres (DAO) précise souvent qu’un même soumissionnaire ne pourrait pas être attributaire de plus de 2 lots en cas de soumission à plusieurs lots (voir Code des Marchés Publics).
En passation des marchés, lorsqu’on procède à un appel d’offres ouvert, le mot surfacturation n’a pas lieu d’être parce que le marché est attribué au soumissionnaire ayant présenté l’offre conforme et mieux disant en termes de prix et de délai.
La consultation du rapport d’analyse des offres et d’évaluation des offres montre carrément que sur les 30 soumissionnaires, les attributaires désignés ont présenté des offres jugées conformes avec des prix bas parce que les prix variaient de 275 000 jusqu’à 380 000 pour certains et il faut se rappeler le contexte dans lequel les offres avaient été faites.
Il s’agissait d’un contexte où il y’avait une pénurie parce le marché céréalier avait connu une inflation donc la surfacturation ne peut être invoquée ainsi que la prise d’intérêts car les articles 43 et 44 du Code des Marchés publics indiquent clairement que ceux qui soumissionnent aux appels d’offres doivent justifier de leur capacité technique et financière ; ceux sont des entreprises connues qui ont soumissionné à des produits et qui ont livrés et la distribution s’en est suivi.
Il convient de rappeler que ces commandes ont été faites dans le contexte particulier de la Pandémie Covid 19 , période durant laquelle le Président de la République, dans un souci d’efficacité a pris le décret n°2020-781 du 18 mars 2020 portant dérogation au code des marchés publics pour les dépenses relatives à la lutte contre le COVID 19 ;
Malgré ce décret, dans un souci de transparence, Monsieur Amadou Mansour Faye a pris le soin d’adresser une correspondance à l’Agence de Régulation des Marchés Publics pour solliciter leur appui et leur accompagnement dans le processus d’acquisition et de distribution des denrées ; (cf. PJ 7 lettre n°27/MDCEST/DAGE du 30 mars 2020)
Par lettre datée du 2 avril 2020, l’ARMP lui a rappelé que ses acquisitions n’étaient pas soumises aux dispositions du code de marché public, tout en saluant son souci de faire prévoir les règles de bonne gouvernance à travers un encadrement du processus d’achat. (cf. PJ 8 : réponse de l’ARMP)
L’ARMP, lui avait toutefois indiqué la démarche à suivre à savoir, la publication d’un avis de passation de marché, l’utilisation des services de la commission et de la cellule des marchés pour l’ouverture des prix, d’évaluation des offres et l’attribution des marchés et en dresser procès-verbal entre autres ;
Toute cette procédure a été méticuleusement respectée par les services du Ministère (cf. PJ 4 et 5)
Les offres retenues ont été celles mieux disantes et en adéquation avec les prix du marché (cf. PJ 9 : rapport 2020 ANSD)
D’ailleurs, le requérant avait saisi sa collègue du Commerce afin d’avoir les prix du marché relatifs aux denrées devant être distribués ;
Cette dernière lui a communiqué par mail les prix et aucune attribution n’a été faite au-delà des prix communiqués (cf. PJ 3) ;
Au surplus, la Cour des comptes, pour établir la surfacturation, se base sur l’arrêté portant administration des prix de l’huile en fut et en dosette, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé de 2013 ayant en vertu des dispositions de l’article 43 de la loi 94 – 63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique une durée de deux mois renouvelables une fois ;
Que cela résulte clairement des dispositions de de l’article 43 de loi précitée qui prévoit que des mesures temporaires contre les hausses excessives des prix, « peuvent être prises par arrêté du Ministre du Commerce et dont la durée d’application ne peut excéder 2 mois renouvelables une fois ».
Comparer les prix du riz en 2013 au prix de 2020 n’est ni logique, ni pertinent dans un contexte exceptionnel de crise avec une forte appréciation du dollar, les difficultés d’approvisionnement, la rupture des chaines logistiques, les rétentions effectuées par certains pays producteurs sur des produits alimentaires et pharmaceutiques ainsi que les déficits de production en raison des mesures de confinement ;
D’ailleurs, durant la même période, l’indice des prix évalué par l’ANSD sur la période de mars-avril 2020 laisse clairement apparaître que les prix du riz avaient connu une forte inflation ;
En effet, la note produite par l’Agence Nationale de la Statistique et de la démographie (ANSD) « Les repères Statistiques d’Avril 2020 » indique clairement que les cours mondiaux du riz en avril 2020 étaient de Trois Cent Trente Huit Milles Deux Quatre Vingt Treize francs (338 293 FCFA) la Tonne ; (cf. PJ 9 : « Les repères Statistiques d’Avril 2020 » publié par l’ANSD )
Mieux, sur la même période, le Commissariat à la sécurité alimentaire, organe sous tutelle de la primature, logé au secrétariat du gouvernement, dans le bulletin « Synthèse Mensuelle de la Situation des Marchés Agropastoraux N°386-Mai 2020 » a également soutenu que le prix du riz importé brisé non parfumé oscillait entre 320 000 et 325 000 FCFA la Tonne. (Cf. PJ 10 : synthèse mensuelle des Marchés Agropastoraux)
Or, la réglementation des prix au Sénégal interdit formellement la vente à perte considérée comme une concurrence déloyale ;
Bien évidemment, par patriotisme, les fournisseurs attributaires (5 sur les 30 soumissionnaires) ont vendu le riz à un prix très juste soit à 275.000 (y compris les frais de manutention) la tonne réduisant ainsi au maximum leur marge bénéficiaires contrairement aux prix du marché permettant ainsi à l’État du Sénégal d’économiser près de 5 milliards de F CFA ;
Que la loi de 1994 sur les prix rappelle expressément que « les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence » ;
Face à une telle disposition légale, il est aberrant d’évoquer un arrêté datant de plus de 7 ans manifestement caduc pour fixer des prix d’une denrée dont tous les rapports tant du ministère du commerce, régulateur par essence des prix et de toutes les autorités compétentes démontrent à suffisance son caractère désuet voire obsolète ;
Est-ce, d’autant plus qu’en dépit de « l’existence prétendue » de l’arrêté de 2013, alors même qu’aucun autre arrêté a été pris entre 2013 et 2024, les prix des denrées particulièrement du riz ont connu des évolutions notables entre 2021 et 2025 ;
En effet, le directeur du commerce intérieur en poste en 2021, Oumar Diallo, dans une interview accordée à l’APS, reprise par SENEWEB, était revenu sur l’évolution haussière des prix du riz importé au Sénégal, conséquence de mauvaises récoltes découlant d’une pluviométrie déficitaire dans ce pays.
Dans cette interview il disait textuellement que “Le riz indien, principal riz importé et consommé au Sénégal, connaît des perturbations en raison de la conjoncture économique liée à la hausse des prix au niveau de l’Inde, conséquence des mauvaises récoltes découlant d’une pluviométrie déficitaire”, a-t-il expliqué lors d’un Conseil national de la consommation tenu le même jour à Dakar.
Les répercussions de la situation de l’Inde ont été négatives au Sénégal en lien avec une hausse générale des prix à l’international, mais surtout du fait des difficultés d’approvisionnement du marché national.
Selon lui, il a été par conséquent constaté une évolution des prix du riz brisé ordinaire de 260 francs CFA le kg au détail à 360 CFA à Dakar ; Cette hausse du riz s’est poursuivie jusqu’en 2022 avant que le Gouvernement, sur instruction du Président de la République décide de suspendre les droits de douane pour soulager les ménages Sénégalais.
C’est ainsi que le ministre du commerce d’alors Mme Assome Diatta avait annoncé la baisse des prix sur le marché annoncé ainsi :
- l’huile de 1200 FCFA passe à 1100 FCFA le litre, soit une baisse de 100 FCFA par litre ;
- le riz brisé non parfumé passe de 15.000 FCFA le sac de 50 kg à 13.750 FCFA, soit une baisse de 25 FCFA par Kg ;
- le sucre passe de 625 FCFA à 600 FCFA, soit 25 FCFA/Kg.
Par ailleurs, le Président de la République a décidé d’allouer une subvention de 32 F sur le kilogramme de riz paddy. Ce qui porte le prix au producteur à 162 FCFA. Ces mesures devraient avoir un impact aussi bien au niveau de la mobilisation des recettes qu’au niveau budgétaire pour un montant global annuel de près de 50 milliards FCFA.
En 2023, les prix du riz au Sénégal variaient en fonction de la qualité et de la région. Le prix moyen du riz brisé ordinaire était d’environ 450 FCFA le kilogramme dans les zones rurales et un peu moins dans les villes, selon un article de Senenews. Le prix du riz de qualité supérieure pouvait atteindre 500 FCFA le kilogramme, selon un bulletin de l’Association nationale de développement agricole du Sénégal (ANDAS).
Le gouvernement avait mis une enveloppe de subvention d’environ 300 milliards de FCFA pour pouvoir obtenir et annoncer une baisse des prix du riz brisé ordinaire, passant de 410 à 350 FCFA le kilogramme ;
En 2024, une flambée des prix est encore notée sur le marché sénégalais ;
En effet, l’Inde principal exportateur a décidé de suspendre ses exportations de riz excepté le basmati.
Ainsi la tonne de riz brisé à l’import est ressortie à 375.000 FCFA la tonne ; le prix en gros, à 379000 Fcfa et le demi-gros à 385000 F Cfa.
A Dakar, le sac de 50 kg de riz brisé avait atteint 25 000 FCFA ;
Ce n’est qu’en juin 2024, qu’à la suite de concertations avec les importateurs et les consommateurs que le Gouvernement a pris des mesures provisoires de baisse matérialisées par l’arrêté 09852 du 24 juin 2024 pour fixer de nouveaux prix des denrées alimentaires ;
Le tableau des prix plafonds annexé à l’arrêté susvisé permet de mieux comprendre le phénomène naturel de l’inflation des prix résultante de l’offre et de la demande ;
Le requérant tient à rappeler que les marchés en ont été passés conformément au code des marchés publics en vigueur à l’époque et ce, nonobstant la dérogation accordée aux autorités contractantes passant des marchés relatifs aux achats liés à la pandémie à Covid.
Ainsi, le marché d’achats de riz a été passé par la commission des marchés à laquelle ne participe pas le Ministre Mansour FAYE suivant les procédures édictées par décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics (voir avis d’appel d’offre, PV d’ouverture des plis, PV d’attribution, correspondances avec ARMP.)
De la même manière que le Ministre Mansour FAYE ne pouvait s’immiscer dans la procédure de passation, il ne pouvait nullement l’être dans l’exécution financière.
En effet, l’enveloppe allouée à son département au titre de I‘opération de l’aide alimentaire était fixée à 69 milliards de FCFA.
Une partie de cette enveloppe, soit 59 milliards de FCFA était logée à la Direction générale du Budget du Ministre en charge des Finances.
Ce montant de 59 milliards de FCFA était géré par le coordonnateur dudit ministère, le reliquat de 10 milliards logé dans le compte de dépôt intitulé MDCEST FORCE COVID-19 ouvert dans les livres du payeur général au nom du Ministère du Développement communautaire et de l’Équité sociale et territoriale.
Ce schéma d’exécution des dépenses publiques ne fait intervenir le Ministre qu’à titre de facilitateur entre son département et son collègue des finances et du budget seul ordonnateur et comptable des fonds en question.
Le Ministre des finances est d’autant seul ordonnateur et comptable des fonds que l’article 29 du code des marchés dispose que « les marchés de l’État sont approuvés par le Ministre chargé des finances lorsque le montant est égal ou supérieur à 300 000 000 FCFA … »
Qu’en l’espèce le marché en cause est de loin de plus de 300 000 000 FCFA et l’article 85 du code des marchés publics dispose que « les marchés signés sont soumis à l’approbation des autorités visées à l’article 29 du présent décret, en fonction de leurs montants. L’approbation achève la procédure de passation des marchés. »
Que donc si le marché a pu être attribué et exécuté, il a bien fallu l’approbation du ministère des Finances et en conséquence aucune responsabilité ne peut être recherchée dans le cadre de ce marché sans commencer par celle du ministre des finances approbateur du marché conformément à la loi ;
Qu’il s’y ajoute que le riz a été acheté à la suite d’un appel d’offres ;
Dans une procédure d’appel d’offres, il demeure absurde d’évoquer une surfacturation car le seul critère d’attribution reste l’offre la mieux disante ;
Une attribution sur cette base est légale et régulière ;
Que par jugement en date du 20 mai 2011, le tribunal de Dakar statuant en matière correctionnelle dans une affaire similaire a valablement jugé que dans un contrat de marché public la surfacturation consiste « à facturer des quantités non exécutées ou non livrées ou à établir des factures sur la base d’un prix supérieur au prix contractuel » ; (cf. PJ 11 : jugement n° n°459 du 20 Mai 2011 rendu par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar)
Que dès lors, si le prix facturé et payé correspond au prix contractuellement fixé par les parties, dans un contrat qui est la loi des parties, il est bien entendu légalement injustifié voire inapproprié d’évoquer une quelconque surfacturation ;
Il est en outre curieux que le Rapport puisse incriminer le ministère de l’Équité Sociale de surfacturation alors que dans le même rapport, le ministère de la Fonction publique a acheté du riz à 380 F CFA kilo soit 380.000 FCFA la tonne sans pour autant faire l’objet de poursuites ;
Il en est de même pour le sucre fixé dans l’arrêté de 2013 a 240.000 F CFA la tonne et acquis à 686.495 F CFA la tonne ; (cf. page 122 rapport Force Covid Tableau 163)
Curieusement, la Cour des comptes a pris en considération dans son rapport final les mêmes observations formulées sur la caducité de l’arrêté sur le sucre et n’a pas cru devoir l’appliquer au riz alors que ces 2 produits étaient administrés par l’arrêté susvisé et qu’il existait un différentiel entre le prix pratiqué et le prix fixé par ledit arrêté ;
Que les mêmes causes produisant les mêmes effets, la conclusion de la Cour des comptes manque manifestement de pertinence et de base légale ;
La procédure d’attribution de marchés ayant été faites conformément à la loi et selon les prix en vigueur sur le marché, l’infraction de détournement de deniers publics ne peut valablement être retenu à l’encontre de Monsieur Amadou Mansour FAYE ;
SUR L’ESCROQUERIE
L’article 153 du Code Pénal dispose « Toute personne désignée au premier alinéa de l’article précédent qui aura obtenu ou tenté d’obtenir frauduleusement de l’État, d’une collectivité publique, d’une société nationale ou d’une société d’économie mixte soumise de plein droit au contrôle de l’État, au moyen de pièces fausses ou de manœuvres quelconques, des sommes d’argent ou des avantages matériels indus, sera punie des mêmes peines suivant les mêmes distinctions qu’à l’article précédent.
Sera également puni de cinq à dix ans d’emprisonnement, tout agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, toute personne revêtue d’un mandat public, tout dépositaire public ou officier public ou ministériel qui aura obtenu ou tenté d’obtenir frauduleusement d’une personne privée au moyen de pièces fausses ou de manœuvres quelconques, des sommes d’argent ou des avantages matériels indus à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. »
Ainsi, l’escroquerie suppose soit l’usage de fausse qualité ou de manœuvres frauduleuses ayant conduit à une remise de fonds ;
Or, le Rapport Force Covid établi par la cour des comptes, fondement à l’accusation n’a démontré, ni offert de démontrer l’usage de fausses pièces quelconques ou de manœuvres frauduleuses pouvant étayer l’infraction d’escroquerie ;
Le rapport se borne tout au plus à formuler des recommandations pour des poursuites judicaires à l’encontre du DAGE Aliou Sow ;
Rien dans l’attitude ou des agissements de Amadou Mansour Faye n’a permis de révéler des indices graves et concordants allant dans le sens d’assoir l’infraction d’escroquerie ;
D’autant plus que les pièces comptables qui ont présidé au décaissement par le ministère des Finances n’ont à ce jour été arguées de fausses ;
Il s’y ajoute que tout le processus d’acquisition du riz a obéi au strict respect des procédures de passation et d’attribution de marchés ;
Il y’a eu appel d’offre, appel à concurrence, dépouillement et choix des attributaires moins disant qui ont livrés la marchandise et qui ont été payé par les services de l’état ;
Ni les fausses pièces, encore moins les manœuvres frauduleuses n’ont pu être étayées ;
Il ne résulte d’aucun élément du dossier que la remise des fonds a été provoquée par un faux ou des manœuvre frauduleuses ;
Il s’en infère que l’infraction de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics ou de complicité de ces chefs n’est constituée ;
Ainsi, relativement aux faits qui lui sont imputés à tort, il existe de sérieuses contestations à la fois factuelles et juridiques, suffisamment motivées par les pièces objectives annexées à la présente requête, et par le principe sacro-saint qui est de rigueur en Droit Pénal et selon lequel, la responsabilité pénale est individuelle et personnelle ;
En conséquence, sous le bénéfice des dispositions de l’article 140-2e in fine du Code de Procédure Pénale, le requérant sollicite qu’il vous plaise Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres de la Commission d’Instruction de la Haute Cour de Justice, bien vouloir lui faire bénéficier de la liberté provisoire, si par extraordinaire vous estimiez devoir l’inculper des chefs de détournement de deniers publics et d’escroquerie portant sur des deniers publics ;
Qu’il s’y ajoute que sa mise en liberté ne présente aucun risque de trouble à l’ordre public et aucun risque de collision ou d’entente entre témoins et acteurs, les enquêtes étant déjà effectuées par la police et le juge d’instruction saisi
Que cette affaire a fait l’objet de plusieurs enquêtes engagées depuis 2022 ;
Au surplus, le requérant présente de sérieuses garanties de représentation ;
Si par extraordinaire, la commission d’instruction devrait suivre les accusations de l’Assemblée nationale en retenant les infractions de détournement de deniers publics, d’escroquerie, de complicité d’escroquerie sur deniers publics et de blanchiment de capitaux, en rejetant les contestations sérieuses, il lui appartiendra de constater que le requérant offre de sérieuses garanties de représentation ;
Il est régulièrement domicilié à Saint Louis ;
Il est maire élu au suffrage universel à la ville de Saint-Louis ;
Il s’est volontairement présenté à la DIC pour recevoir la notification de son mandat de comparution ;
Il s’est volontairement présenté devant la juridiction de céans et ne s’est jamais opposé encore moins entravé la marche de la justice ;
Il a confiance en la justice de son pays et entend collaborer à la manifestation de la vérité judiciaire ;
Qu’il est de bon droit de lui faire application au besoin de l’application des nouvelles dispositions relatives à l’aménagement de la détention qui réforment clairement le caractère obligatoire du mandat de dépôt comme le laisse apparaître l’article 138-7 du code de procédure pénale ;
Et ce sera justice !
SOUS TOUTES RESERVES
POUR REQUETE
DAKAR LE 26 MAI 2025
ce sera justice !
SOUS TOUTES RESERVES
POUR REQUETE
DAKAR LE 26 MAI 2025