Première femme à occuper le poste de Première ministre au Sénégal, Mame Madior Boye incarne à la fois l’excellence juridique, la rigueur morale et l’engagement public au service d’un État de droit. Magistrate émérite, technocrate respectée et femme d’exception, son parcours est une leçon d’audace et de dignité dans un univers longtemps dominé par les hommes.
Une vocation forgée dans les tribunaux
Née en 1940 à Saint-Louis, dans une famille profondément ancrée dans les métiers du droit, Mame Madior Boye suit un chemin tracé par la rigueur judiciaire. Après le lycée Faidherbe, elle poursuit des études à la Faculté des sciences juridiques et économiques de l’Université de Dakar puis au Centre national d’études judiciaires de Paris, devenu plus tard l’École nationale de la magistrature.
Son ascension dans la magistrature est exemplaire : substitut du procureur, première vice-présidente du tribunal régional de Dakar, présidente de chambre à la Cour d’appel. Elle brise progressivement le plafond de verre dans les plus hautes sphères judiciaires, tout en restant proche des réalités du terrain.
Du banc des juges à la tête du gouvernement
Après une décennie à la tête de la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO), elle entre en politique sans jamais adhérer à un parti. En avril 2000, elle est nommée ministre de la Justice dans le gouvernement d’Abdoulaye Wade, avant de devenir, un an plus tard, Première ministre du Sénégal. Une première dans l’histoire du pays, et l’une des rares figures féminines à accéder à ce rang en Afrique.
Durant son mandat (2001–2002), elle nomme plusieurs femmes à des postes ministériels stratégiques et impulse une gouvernance sobre, technocratique et marquée par le respect des institutions. Elle inaugure notamment la Bibliothèque nationale du Sénégal. Sa rigueur et son indépendance lui vaudront cependant d’être remerciée à la suite de sa gestion du drame du naufrage du Joola, en septembre 2002.
Une voix pour la paix sur le continent
En 2004, l’Union africaine lui confie une mission de haute importance : représentante spéciale chargée de la protection des civils dans les zones de conflit. De Dakar au Darfour, en passant par la Centrafrique, la RDC ou encore le Burundi, elle sillonne le continent à la rencontre des victimes de guerre, des décideurs et des belligérants, pour porter la voix du droit humanitaire et de la justice.
Une légende discrète, mais indélébile
Discrète, humble et d’une rare intégrité, Mame Madior Boye a toujours incarné la force tranquille d’une femme au service de la République. Elle a su imposer, sans éclat ni populisme, une manière de gouverner et de décider, fondée sur la compétence, l’éthique et le respect des règles.
Aujourd’hui encore, elle demeure un modèle inspirant pour les jeunes générations, une figure tutélaire pour les femmes engagées, et un repère dans l’histoire politique et judiciaire du Sénégal.