Le coronavirus semble faire oublier que Macky Sall est officiellement en fin de règne, au point que l’on en ignore que l’affaire Akilee est reliée à la guerre de succession, tout comme les attaques pré-covidiennes, géométriquement centrées sur Amadou Ba et Mimi Touré. Les faucons, qui se créent des fantômes pour avoir peur, dans leur paranoïa sécuritaire, tentent de liquider tout élément gênant, quitte à inventer de faux-adversaires.
Durant son premier mandat, celui qui s’était « octroyé » un septennat, par voie de référendaire et au prix d’un revirement spectaculaire, réussit, directement ou indirectement, à écarter de la course bon nombre de ses concurrents, tels Karim Wade et Khalifa Sall, qui donnent désormais l’impression d’appartenir au musée politique. Pendant tout ce temps, l’économie sénégalaise, frappée d’un accès d’endettement chronique profitable aux entreprises étrangères, subit les facteurs aggravants de cette volonté de réélection, qui fit qu’on privilégia le parti à la patrie. Idrissa Seck, qui ramassa les marrons du châtaignier en retrouvant sa place de deuxième obtenue à la présidentielle de 2007, mais devant l’impossibilité où il se trouve de diriger la famille libérale, est obligé de marchander avec Macky Sall, qui peut lui accorder le statut de chef de file de l’opposition que convoite le Parti démocratique sénégalais. Le titre, à titre symbolique, peut relancer la carrière du leader de Rewmi pour, à l’horizon 2024, rééditer le coup de Wade en 2000 : d’abord en créant les conditions d’un scrutin transparent, comme le pape du Sopi qui bénéficia de cette aubaine après avoir intégré le gouvernement de Abdou Diouf ; mais surtout, se poser en « candidat unique » d’une bonne partie de l’opposition.
Or, le Pds n’a pas dit son dernier mot et le silence grandissant des Wade post-retrouvailles de Massalikoul Jinaan, est là pour démontrer que les négociations en messe basse jouissent de la couverture d’une marée haute pandémique. Les députés libéraux ont été les premiers à apporter leur soutien au chef de l’Etat. Sauf que l’Histoire a démontré que Abdoulaye Wade, qui sait conduire ses adversaires à l’usure par des k.o mortels, a toujours remporté des batailles électorales au moment où on le croit définitivement vaincu. Khalifa Sall : peut-il survivre à une mort du Ps ? Rien ne le prouve !
En fait, nous sommes en plein dans un monolithisme d’Etat de type senghorien, sur fond de rumeurs persistantes mettant en perspective la formation d’un gouvernement de majorité présidentielle élargie, où rares sont les voix discordantes à se prononcer sur la volonté de Macky Sall d’accorder l’honorariat aux anciens présidents du Conseil économique et social (environnemental). La même loi de l’omerta régit le débat sur la fin du Cfa qui sonne le début d’une recolonisation de l’économie sénégalaise à l’instigation de la France.
L’opposition, en temps de Plan Sénégal Emergent, est finalement incarnée par des partis émergents, comme ceux de Abdoul Mbaye, de Ousmane Sonko ou encore de Thierno Alassane Sall, dont le cumul des voix à la présidentielle de 2019 ferait 16%. Leur mode opératoire a porté Macron au pouvoir, mais autres lieux, autres vérités, ici le vote est plus affectif qu’objectif. De plus, en appuyant trop sur le bouton du radicalisme, le leader de Pastef risque de vivre le syndrome Talla Sylla. Le charmant Sonko gagnerait à faire étalage de qualités d’homme d’Etat policé pour rassurer l’électorat le plus âgé d’Afrique francophone. C’était la recette-miracle de Macky contre Wade.
« Nouvel ordre politique » : c’est le nom de code que nous donnerions à cette entente secrète entre le leader de l’Apr et de grandes figures de l’opposition.
Un désordre peut, comme par un effet de boomerang, sortir de cet ordre, si Macky Sall se présente pour un 3e mandat, ainsi que l’annoncent les pronostics des Augures. Les sorties de Mbaye Ndiaye et de Abdallah Dionne sont pourtant des codes d’alerte. Malheureusement, le consensus issu du coronavirus a aussi ses effets secondaires.
Signé Thierno DIOP