Ce dimanche soir, 48 heures après l’émission hebdomadaire Jakarlo sur la TFM, la présentatrice du journal télévisé de 20H de la RTS a lue un communiqué du bureau politique du Pastef interpellant le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) et le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED). Le parti dénonce des « injures publiques » proférées par des chroniqueurs lors de l’émission. Cependant, cette interpellation soulève des questions sur la cohérence et la légitimité du Pastef dans ce débat, au regard de son propre rôle dans la dégradation du climat politique et médiatique au Sénégal.
Ironie de l’histoire : le Pastef, pionnier de l’insulte politique
Il est ironique de constater que c’est ce même parti qui a introduit l’insulte dans la sphère politique sénégalaise. Depuis quelques années, les militants du Pastef, particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, ont systématiquement recours à des attaques verbales, des injures et des diffamations contre des personnalités publiques, des journalistes, des magistrats, et même des institutions de l’État. Leur leader, Ousmane Sonko, n’a d’ailleurs pas hésité à traiter publiquement des magistrats, des généraux, un chef d’État, des journalistes et des organes de presse de « Fènn Katt », c’est-à-dire de menteurs. Ces propos, tenus en public et sans retenue, ont contribué à normaliser une culture de l’insulte dans le débat politique.
Pourtant, face à cette vague d’insultes provenant majoritairement de ses propres rangs, le bureau politique du Pastef est resté étrangement silencieux. Aucun communiqué, aucune condamnation, aucune mise en garde contre ces dérives. Bien au contraire, le parti a vu naître en son sein des organes de presse, des journalistes et des chroniqueurs affiliés qui passent leur temps à insulter et à diffamer des citoyens honnêtes, sans que cela ne semble déranger les dirigeants du parti.
L’interpellation du Pastef au CORED : une hypocrisie flagrante
Le Pastef semble avoir oublié qu’il a lui-même contribué à désorganiser le secteur de la presse sénégalaise. Depuis son arrivée au pouvoir, des organisations essentielles comme la Commission nationale de la carte de presse et le CORED ont été paralysées, leurs budgets de fonctionnement bloqués par le ministère de la Communication, dirigé par un membre du Pastef. Les raisons de ce blocage restent incomprises par les acteurs des médias, mais les conséquences sont claires : ces institutions, chargées de réguler et de protéger l’éthique dans les médias, sont aujourd’hui incapables d’assumer pleinement leurs missions.
Dans ce contexte, il est pour le moins audacieux que le Pastef ose maintenant interpeller le CORED pour qu’il agisse contre des prétendues « injures publiques ». Comment un parti qui a activement contribué à affaiblir ces institutions peut-il aujourd’hui exiger qu’elles fonctionnent ? Cette démarche ressemble davantage à une tentative de diversion qu’à une réelle préoccupation pour l’éthique médiatique.
L’émission Jakarlo et Badara Gadiaga : rétablir la vérité n’est pas insulter
Concernant l’émission Jakarlo et les accusations portées contre Badara Gadiaga, il est important de rappeler les faits. Des responsables du Pastef ont à plusieurs reprises tenté de l’humilier lors de débats, comme l’ont illustré les interventions de Babacar Camara, de Sadikh Top et, plus récemment, d’Amadou Ba, en essayant de déformer la vérité sur Badara Gadiaga. Cependant, il n’y a eu ni injures publiques, ni insultes. Badara Gadiaga a simplement rétabli la vérité face aux mensonges et aux manipulations.
Le bureau politique du Pastef ferait mieux de se remettre en question plutôt que d’interpeller le CORED ou le CNRA, des institutions que leur pouvoir a contribué à affaiblir. Si le Pastef souhaite réellement promouvoir un débat politique sain et respectueux, il devrait commencer par balayer devant sa porte et condamner les insultes qui émanent de ses propres rangs. Comme le dit un proverbe wolof : « Bala ngay digg lé sanguay da ngay sangou ba paré » (Avant de nettoyer chez les autres, commence par nettoyer devant ta porte).
Alioune Abatalib BÈYE
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