A titre illustratif, en matière de crimes de torture, le Sénégal a ratifié divers instruments juridiques internationaux qui érigent leur interdiction en prohibition impérative. C’est le cas, notamment, de l’article 5 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et de l’article 7 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques.
La proposition de loi a été introduite par le député Amadou Bâ du Pastef. Elle prévoit l’amnistie des faits criminels ou correctionnels ayant une motivation politique et commis durant la période préélectorale, entre 2021 et 2024. Par ailleurs, annoncé dans le Rapport de la Commission des lois lors de l’examen du projet de loi au travers d’une Commission d’indemnisation, le droit à réparation des victimes, en l’absence de toute consécration expresse, n’est que sous-entendu dans le texte.
C’est pourquoi, la proposition de loi interprétative a souhaité lui redonner une base légale exempte de controverse.
D’ailleurs, pour la Cour de justice de la CEDEAO, les lois d’amnistie ne sauraient, sous peine d’invalidation, méconnaitre le droit des victimes à une juste et équitable réparation. Pour la Cour, « ll serait en effet inique d’ignorer complétement la situation des personnes ayant souffert des événements en cause, sous prétexte que les autorités étatiques auraient décrété que ces événements sont rayés d’un trait de plume, ou sont, en fait, censés n’avoir jamais existé.
Pour la Cour, l’amnistie ne justifie pas l’inertie, et le respect du droit des victimes n’est pas incompatible avec la nécessité de la réconciliation sociale ». En somme, les obligations internationales du Sénégal en matière de protection des droits de l’homme et l’évolution récente de la jurisprudence internationale sur la circonscription du champ d’application des lois d’amnistie imposent au législateur de circonscrire le champ d’application de la loi en la restreignant aux seules infractions
qui répondent à une motivation politique ou celles commises en lien avec l’exercice d’un droit démocratique.
Ainsi, la volonté du législateur ne saurait être de laisser impunies des infractions graves qui ne se rattachent à l’exercice d’aucune liberté publique ou d’un droit démocratique. C’est le cas, notamment, des actes de torture, des assassinats, des meurtres, des actes de barbarie, des disparitions forcées et des traitements inhumains cruels ou dégradants. Il est tout aussi évident que le législateur n’a pas entendu faire obstacle aux droits des victimes à une réparation intégrale.
L’article 3 de la loi d’amnistie prévoyait la possibilité pour les victimes de mettre en œuvre la contrainte par corps, en instituant un mécanisme de réparation sans en poser clairement le principe. Cette loi interprétative, sans rien rajouter au texte, est venue en préciser le sens et la portée, dans l’intérêt des victimes.
En outre, l’amendement proposé à la proposition de loi portant interprétation de la loi portant d’amnistie supprime du texte l’énumération des articles non directement concernés et ne laisse ainsi subsister que l’interprétation des articles 1 et 3 de la loi portant amnistie. Telle est l’économie du présent amendement à la proposition portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024.
AMENDEMENTS
Article premier.- Le titre de la proposition de loi est modifié ainsi qu’il suit : « Proposition de loi portant interprétation de la loi n°2024-09 du 13 mars 2024 portant
amnistie. »
Article 2.- La présente proposition de loi ne comporte plus que les dispositions à interpréter, à savoir, l’article premier et l’article 3.
« Article premier.- Au sens de l’article 1r de la loi n°2024-09 du 13 mars
2024 portant amnistie, les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle ayant une motivation politique ou se rapportant à des manifestations s’entendent de faits liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, que leurs auteurs aient été jugés ou non.
Au sens de l’article 1er de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, sont exclus du champ de l’amnistie, les faits survenus entre le 1erfévrier 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, sans lien avec l’exercice d’une liberté publique.
Ou d’un droit démocratique et qualifiés, notamment, d’assassinat, de meurtre, de crime de torture, d’actes de barbarie, de traitements inhumains cruels ou dégradants, même si ces faits se rapportent à des manifestations, quelle qu’en soit la motivation et indifféremment de leurs auteurs.
Article 3.- Au sens de l’article 3 de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024,
l’amnistie ne préjudicie ni aux droits des tiers ni aux droits des victimes à une -réparation intégrale. ».
Article 3.- Les articles 2, 5 et 6 sont supprimés du texte de la proposition de loi portant interprétation.