Votre réponse maladroite est l’aveu d’une duplicité abjecte entre l’Exécutif dont vous êtes membre et le Législatif porteur de cette hideuse loi d’« interprétation », qui n’est rien d’autre qu’un recel pur et simple de malfaiteurs.
En effet, à travers cette proposition de loi interprétative vous n’avez qu’un seul objectif : mettre sciemment à l’abri de toutes poursuites les auteurs d’infractions délictuelles et criminelles de votre camp.
Dans la même inconséquence, vous essayez de leur apporter une « assistance » en régularisant, indûment, une « réparation », le motif principal de la proposition de loi.
En effet, il est dit dans la proposition de loi que « la présente loi ne préjudicie ni aux droits des tiers ni aux droits des victimes à une réparation ».
Aviez-vous besoin d’ajouter ce droit « à la réparation des victimes» dans la proposition de loi interprétative?
Qui sont ces victimes ? Peut-on être victime sans être un tiers aux événements amnistiés ? Où est la cohérence ?
L’amnistie pardonne et efface des faits délictuels et/ou criminels dont les auteurs échappent ainsi à toute sanction pénale. Ce pardon accordé aux auteurs de ces faits n’est-il pas suffisant ? Pourquoi de surcroît accorder une « réparation » à des auteurs de faits amnistiés ?
Osez-vous soutenir une telle démarche, après avoir appelé urbi et orbi, dans l’opposition comme depuis un an au pouvoir, à l’abrogation pure et simple ?
C’est ce qu’on appelle avoir le beurre et l’argent du beurre autrement dit bénéficier de ses propres turpitudes ; commettre des délits et se faire indemniser…
Vous ne nous dites pas par quelle alchimie des auteurs de faits délictuels peuvent obtenir réparation pour ces mêmes faits dont ils sont responsables ?
En réalité la supercherie est connue ; vous êtes démasqués. Vous cherchez juste à régulariser un mécanisme d’indemnisation illégitime et scandaleux, qui méprise toutes les règles et principes du droit de la réparation au Sénégal.
Cette démarche illicite, mue uniquement par des considérations politiciennes, constitue un précédent dangereux. Nous vivons dans un État organisé et régi par des textes de loi que vous devez apprendre à respecter.
Le débat que je pose est à ce niveau. Vous dites que vous étiez contre la loi d’amnistie. Dont acte!
À présent que vous avez les moyens de l’abroger comme vous l’aviez promis, dites-nous qu’est-ce qui vous retient?
Pourquoi ne pas abroger cette loi conformément à vos engagements pris au plus haut niveau de votre gouvernement?
La loi d’amnistie est-elle devenue, subitement, une bonne loi au point de vouloir lui apporter, en lieu et place de l’abrogation promise, un toilettage funeste ? Cette proposition vide la loi interprétée de tout son sens originel de pardon intégral mais aussi impartial. Elle rompt ainsi avec la portée générale de la loi et son caractère impersonnel. Elle tente un exercice inique de tri sélectif entre les Sénégalais, pour distinguer les bons, c’est-à-dire ceux qui dans votre logiciel sont de votre camp, et les autres que vous prenez soin de mépriser.
Pourquoi cette justice sélective ? Une discrimination qui rompt manifestement l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Monsieur le ministre, vous savez que je sais qui a demandé, docilement, après s’être aplati devant le Président Macky Sall la loi d’amnistie et bien d’autres faveurs …
Birame bulma taxa wax…
Votre posture de député n’était qu’une piètre partie de communication politique : tirer les ficelles, en récolter les bénéfices sans coup férir… On reconnaît la méthode Pastef : elle se nomme irresponsabilité.
Toutefois, l’épisode législatif du vote de la loi d’amnistie est derrière nous.
Vous aviez promis de l’abroger. À présent, faites-le ! Pourquoi ne respectez-vous pas cet engagement pris devant vos électeurs et surtout devant le peuple sénégalais?
La sagesse, la vraie, n’est ailleurs que dans la vérité et le respect de la parole. Depuis un an que vous êtes au pouvoir, quel est l’engagement que vous avez respecté ? Vous avez un problème sérieux avec la vérité. Vous êtes tout le temps dans le déni, le mensonge, la calomnie, la médisance et la manipulation.
Député, président du groupe parlementaire, j’ai toujours dénoncé et je continue de dénoncer, aujourd’hui plus qu’hier, la violence, la brutalité politique organisée, sciemment, pour déstabiliser le pays.
Les témoignages qui en attestent fusent de partout, portés par des gens de votre camp…C’est ce qui justifie l’empressement d’introduire une proposition de loi interprétative qui ne l’est que de nom. Il s’agit d’une loi qui consolide, partiellement, l’amnistie que vous aviez « rejetée », honnie et promis d’abroger.
N’est-ce pas ici un flagrant reniement ? En quoi cette proposition de loi est interprétative ? Quelle est la controverse qu’elle tranche ? Quelle est la difficulté d’interprétation de la loi d’amnistie ? Quel problème réel rencontré dans s mise en œuvre? Quelle autorité compétente a signalé ou relevé une quelconque difficulté ou contrariété dans l’application de la loi d’amnistie ?
Personne ne s’y méprend !
Vous cherchez manifestement à protéger des casseurs, pilleurs, délinquants et auteurs de crimes que vous n’avez jamais dénoncés ?
À l’Assemblée nationale, j’ai préféré dénoncer les crimes commis contre la République et les valeurs qu’elle incarne. En revanche, je ne vous ai jamais entendu dénoncer ou, tout au moins, regretter les violences et les exactions…
Pourquoi excuser un délinquant et vouloir poursuivre celui qui luttait contre la commission du crime ou du délit ? C’est cela votre idée de justice ? Est-ce le legs que vous souhaitez laisser à la postérité ?
Est-ce l’image que vous voulez donner à notre République fondée sur l’équilibre, l’égalité devant la loi et le respect de la séparation des pouvoirs que vous violez si allègrement ? N’est-ce pas qu’il s’agit d’une proposition de loi et non d’un projet de loi ? Alors de quoi vous vous mêlez, vous membre de l’Exécutif en violation totale du principe sacré de la séparation des pouvoirs ? Cette proposition a-t-elle été alors prise sous la dictée de l’Exécutif ?
Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous : « les criminels de sang doivent faire face à leurs crimes ». Mais, pour être complet je m’empresse d’y ajouter : tous les criminels et de tous bords et qu’importe la motivation. Dans la proposition de loi que vous défendez, il y est expressément dit que « …sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique… ».
Comme vous pouvez le constater, sauf mauvaise foi, ce texte ne fait aucune distinction entre crimes de sang et autres crimes. Le seul critère distinctif est la motivation politique du crime. Sauf à réintroduire une nouvelle loi interprétative, car les petits esprits font toujours les choses à moitié.
Monsieur le ministre, ce que je dis dans « mon petit texte » est pourtant simple à comprendre pour de « grands esprits ».
À défaut de maintenir intégralement la loi d’amnistie qui accorde le pardon à tous, ce qui est conforme à notre Constitution, à la morale politique et à la décence républicaine, abrogeons-la et tournons la page. Autrement dit, le Pardon pour tous sinon à personne ! Cette position me semble juste, impartiale, équitable et désintéressée. Elle n’est pas loin de la sagesse républicaine. Abroger au profit de tout le monde ou pardonner à tout le monde. Mais pas de pardon sélectif…agrémenté par une « réparation », une prime à l’incivisme.
Monsieur le ministre, arrêtez de jouer avec les institutions et de tripoter les lois de la République pour mettre votre unique volonté, celle d’une secte, au-dessus de l’intérêt national et de notre tradition républicaine. Pour ma part, je ne réclame aucune sagesse, je dénonce, simplement, avec mes mots, les maux dont souffre actuellement notre République abaissée et piétinée par tant d’insouciance, d’injustice, d’inaptitude et d’incivisme.
Au demeurant, avec une inélégance habituelle chez vous, vous invoquez avec dérision mon passage au ministère des Forces armées. Une expérience certes courte mais très riche, qui m’a appris davantage à avoir une haute estime de l’énorme travail abattu par nos Forces de défense et de sécurité et ce, au prix d’énormes sacrifices afin que notre République reste debout. J’ai compris que c’était pour vous une occasion d’aborder la « disparition tragique de Fulbert et Didier ». Que l’un repose en paix. Je prie que l’autre, toujours porté disparu, soit retrouvé sain et sauf. Je respecte les morts, tous les morts parce que je ne suis pas immortel et surtout que j’ai la dignité de ceux qui s’honorent de servir l’État dans le respect des valeurs propres à la longue histoire de notre pays.
A l’Assemblée nationale, je n’ai jamais voulu m’associer aux génuflexions et autres rituels que vous cherchiez à nous imposer sans concertation préalable. Pour moi ce n’était ni le lieu ni le moment. L’Assemblée nationale a des règles et un code qu’il faut apprendre à connaître. Ceux qui portent le deuil, le vrai deuil, le font sans exhibition, dans un total anonymat et sans ostentation démesurée.
C’est aussi cela le respect dû aux disparus. Une douleur sincère ne s’accommode jamais de politique-spectacle…Malheureusement, je constate pour le regretter que vous en faites toujours un fonds de commerce politique au nom de votre indignité et pour le compte de votre indécence.
Le plus curieux dans tout ceci est que vous semblez oublier que vous êtes désormais au pouvoir et ce, depuis un an… C’est à vous maintenant de nous rendre compte de l’évolution de l’enquête sur ces dossiers. Réveillez-vous, piquez-vous et croyez-y, ce n’est pas un rêve ; c’est sérieux vous n’êtes plus dans l’opposition ; par la Grâce d’Allah vous êtes au pouvoir. Comportez-vous alors en homme de pouvoir; en homme d’État mais pas en homme dans l’État.
Et je puis vous assurer que le seul mal que je vous souhaite est d’accomplir un parcours plus prestigieux que le mien au sommet de notre État que j’ai essayé de servir au mieux, mais dans la vérité, la dignité et la décence républicaine.
Pour y parvenir renoncez d’ores et déjà au mensonge ; il est fugace et incommode ; il détruit tout et ne construit rien de durable. Empruntez plutôt le chemin de la vérité, de la justice et de la droiture qui, seul, mène au succès. Le mensonge ne peut pas être érigé en religion pour quelqu’un qui se prend pour un « sage » à moins d’être un insensé plus fou que la folie.
Ramadan Mubarak Monsieur le ministre et surtout bon « ndogu ».