Le rapport d’exécution budgétaire du premier trimestre 2025 confirme ce que beaucoup soupçonnaient déjà : le nouveau pouvoir ne rompt en rien avec les logiques anciennes. Il reprend exactement le même logiciel budgétaire que ses prédécesseurs, avec les mêmes déséquilibres, les mêmes pratiques et les mêmes dérives structurelles.
𝐌𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐬𝐚𝐥𝐚𝐫𝐢𝐚𝐥𝐞 𝐞𝐭 𝐞𝐟𝐟𝐞𝐜𝐭𝐢𝐟𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐧𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐩𝐮𝐛𝐥𝐢𝐪𝐮𝐞
•T1 2020 : 207,40 milliards FCFA pour 148 141 agents
•T1 2021 : 213,52 milliards FCFA pour 154643 agents
•T1 2022 : 227,18 milliards FCFA pour 162391 agents
•T1 2023 : 318,14 milliards FCFA pour 169 670 agents
•T1 2024 :353,49 milliards FCFA pour 181 947 agents
•T1 2025 : 357,07 milliards FCFA pour 186 205 agents
Rien, dans ce rythme effréné de recrutement, ne répond à une logique d’efficacité ou d’évaluation des besoins. Il n’existe ni audit structurel, ni vision de long terme sur la rationalisation des effectifs. L’État recrute sans stratégie, perpétuant une culture du clientélisme administratif.
𝐃é𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞𝐬 𝐨𝐫𝐝𝐢𝐧𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 – 𝐟𝐨𝐧𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧𝐧𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐥’É𝐭𝐚𝐭
•T1 2020 : 646,74 Mds FCFA
•T1 2021 : 644,15 Mds FCFA
•T1 2022 : 804,73Mds FCFA
•T1 2023 :1005,36 Mds FCFA
•T1 2024 :1027,94 Mds FCFA
•T1 2025 : 1 130,9 Mds FCFA
Les dépenses ordinaires, autrement dit le coût du fonctionnement général de l’administration, sont passées de 646,74 milliards FCFA en T1 2020 à 1 130,9 milliards FCFA en T1 2025. En d’autres termes, l’État consacre l’essentiel de ses ressources à se maintenir lui-même en vie.
Aucun effort sérieux de rationalisation n’est visible. Les dépenses de fonctionnement représentent toujours près de 80 % du budget exécuté, comme sous les anciens régimes. La rupture promise n’est pas là.
𝐃é𝐩𝐞𝐧𝐬𝐞𝐬 𝐞𝐧 𝐜𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐥 – 𝐢𝐧𝐯𝐞𝐬𝐭𝐢𝐬𝐬𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬
- T1 2020 :453,61 Mds FCFA – dont 11,95 Mds exécuté par l’Etat
- T1 2021 : 391,56 Mds FCFA dont 29,71 Mds exécuté par l’Etat
- T1 2022 : 634,91Mds FCFA – dont 30,52 Mds exécuté par l’Etat
- T1 2023 :331,43 Mds FCFA – dont 8,11 Mds exécuté par l’Etat
- T1 2024 :330,78 Mds FCFA – dont 20,64 Mds exécuté par l’Etat
- T1 2025 :288,57 Mds FCFA – dont 2,64 Mds exécuté par l’Etat
Le discours sur les investissements ne résiste pas à l’analyse. En T1 2025, seuls 2,64 milliards FCFA ont été exécutés par l’État en investissement, sur un total affiché de 288,57 milliards. C’est une chute vertigineuse. L’essentiel des projets dits “structurants” n’est même pas lancé. En 2022, par exemple, les investissements exécutés par l’État s’élevaient à 30,52 milliards FCFA. Ce recul massif montre un désengagement progressif de l’État sur les projets concrets, malgré les discours d’intention.
𝐂𝐡𝐚𝐫𝐠𝐞𝐬 𝐟𝐢𝐧𝐚𝐧𝐜𝐢è𝐫𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐝𝐞𝐭𝐭𝐞
- T1 2020 :113,87 Mds FCFA
- T1 2021 : 111,12 Mds FCFA
- T1 2022 : 123,20 Mds FCFA
- T1 2023 :149,91 Mds FCFA
- T1 2024 : 181,67 Mds FCFA
- T1 2025 : 225,24 Mds FCFA
Les charges financières liées à la dette publique sont passées de 113,87 milliards FCFA en T1 2020 à 225,24 milliards FCFA en T1 2025. Cette hausse spectaculaire est le reflet direct de l’endettement massif accumulé au fil des mois. Et pourtant, le rapport d’exécution budgétaire ne fournit toujours aucune information détaillée sur les projets financés par cette dette, ni sur les taux d’intérêt ou les échéances. Le gouvernement promet plus de détails dans les prochains rapports. Attendons de voir.
Les visages ont changé, le système est intact. Pas de réforme budgétaire. Pas de nouvelle présentation des rapports. Pas de plateforme publique de suivi ligne par ligne. Pas de rupture dans les dépenses, ni dans les recrutements.
Ce n’est pas un changement de régime. C’est un changement d’occupants.
Tant qu’il n’y a pas de transparence détaillée, pas de maîtrise des effectifs, pas de vraie réforme de la dépense publique, l’État continuera de servir à ceux qui le dirigent, pas à ceux qu’il est censé servir.
Les promesses de rupture ont accouché d’une continuité presque caricaturale. Le système n’a pas bougé d’un iota. Ceux qui critiquaient hier la mauvaise gestion sont aujourd’hui au pouvoir et gèrent avec les mêmes outils, les mêmes priorités, les mêmes réflexes.
Il ne suffit pas de changer les hommes. Il faut changer les règles du jeu, la structure du budget, la présentation des rapports, la transparence ligne par ligne, l’affectation des ressources.
Tant que cela ne sera pas fait, le pouvoir quel qu’il soit continuera de servir ceux qui le dirigent, et non ceux qui l’ont élu.
Ameth DIALLO
Coordinateur national de Gox Yu Bees