Le vendredi 27 décembre 2007, le Sénégal et la communauté mouride perdaient une figure emblématique de l’islam soufi : Serigne Saliou Mbacké, cinquième Khalife général des Mourides. Né en 1915 à Diourbel, il fut le dernier fils de Cheikh Ahmadou Bamba à accéder au khalifat, qu’il dirigea avec humilité et détermination pendant 17 ans (1990-2007). Sa disparition à l’âge de 92 ans marqua profondément le Mouridisme et la nation sénégalaise, tant son influence et ses œuvres ont laissé une empreinte indélébile.
L’Enfance et la Formation d’un Guide Spirituel
Issu de la lignée bénie du fondateur du Mouridisme, Serigne Saliou grandit dans un environnement imprégné de spiritualité et d’érudition. Très tôt, il reçut une éducation coranique rigoureuse et s’imprégna des enseignements soufis de son père, Cheikh Ahmadou Bamba, qui prônait un islam basé sur le travail, l’adoration de Dieu et le respect des valeurs humaines. Il bénéficia également de l’encadrement de ses frères aînés, notamment Serigne Mouhamadou Moustapha, Serigne Fallou et Serigne Abdoul Ahad Mbacké, qui occupèrent eux aussi le khalifat avant lui.
Sa jeunesse fut marquée par une recherche constante de savoir et de piété, et il se distingua rapidement par son attachement à l’ascèse, au silence et à la méditation. Il était reconnu pour son tempérament discret, son humilité et son refus des honneurs mondains.
Un Éducateur Hors Pair : L’Apôtre du Savoir et du Travail
Dès son accession au khalifat en 1990, Serigne Saliou fit de l’éducation sa priorité absolue. Selon lui, l’épanouissement de l’être humain passe par l’apprentissage des sciences religieuses et le travail. Il mit en place un modèle éducatif unique, associant enseignement coranique et travail agricole, dans un cadre structuré de daaras (écoles coraniques).
Dans ces daaras agricoles, les disciples étaient formés non seulement à la mémorisation du Saint Coran, mais aussi aux valeurs de discipline, d’abnégation et d’autosuffisance à travers des activités agricoles. Ce modèle novateur permit de former des milliers de jeunes, les préparant à la vie active tout en consolidant leur foi.
Son engagement éducatif ne se limita pas aux daaras. Il entreprit également l’achèvement de l’université islamique de Touba, initiée par son frère Serigne Abdoul Ahad, afin d’offrir un cadre académique de haut niveau aux futurs intellectuels musulmans du Sénégal et d’ailleurs.
Un Grand Producteur Agricole : L’Homme de Khelcom
Serigne Saliou Mbacké fut également un visionnaire dans le domaine agricole. Il lança un projet d’envergure qui allait révolutionner l’agriculture au Sénégal : Khelcom.
Situé sur une surface de 45 000 hectares, Khelcom devint l’un des plus grands domaines agricoles du pays, avec des cultures variées destinées à assurer l’autosuffisance alimentaire et à soutenir les daaras. Il y appliqua une organisation rigoureuse inspirée des principes mourides du travail et de l’autonomie. Grâce à son leadership, des milliers d’hectares furent exploités, permettant la production de mil, maïs, arachide, pastèque et autres cultures vivrières essentielles.
Ce projet ne se limitait pas à la seule production agricole. Il visait également à éduquer les jeunes au sens du travail bien fait, leur inculquant des valeurs de persévérance et de responsabilité. Khelcom devint ainsi un symbole de l’engagement mouride pour l’autosuffisance alimentaire et la dignité humaine.
Un Soufi Accompli : La Foi Avant Tout
Serigne Saliou Mbacké fut un fervent soufi, qui privilégiait la vie d’ascèse et d’adoration. Malgré son statut de Khalife, il menait une existence modeste et détachée des biens matériels. Il passait de longues heures en prière et en méditation, recherchant la proximité divine à travers la récitation du Coran et les invocations.
Son engagement spirituel se manifestait aussi dans son attitude envers les disciples et les visiteurs. Toujours disponible pour donner des conseils, apaiser les cœurs et encourager au travail bien fait, il incarnait parfaitement les valeurs enseignées par Cheikh Ahmadou Bamba : la soumission totale à Dieu, la patience et le service désintéressé envers autrui.
Ce mode de vie fit de lui une référence spirituelle respectée bien au-delà du Mouridisme. De nombreux fidèles, même hors du Sénégal, venaient solliciter ses bénédictions et son enseignement.
Son Héritage et Sa Mémoire
Après 17 ans de Khalifat, Serigne Saliou Mbacké s’éteignit le 28 décembre 2007, laissant derrière lui un héritage inestimable. Il fut inhumé dans l’enceinte de la Grande Mosquée de Touba, aux côtés des autres Khalifes généraux.
Son action continue d’influencer la communauté mouride et au-delà :
Les daaras agricoles qu’il a fondés continuent de former des générations de jeunes au savoir religieux et au travail.
Le domaine de Khelcom reste un modèle d’agriculture durable et d’autonomie.
L’université islamique de Touba, à laquelle il a grandement contribué, accueille aujourd’hui des étudiants de divers horizons.
17 ans après sa disparition, son souvenir reste vivace dans les cœurs et les esprits. Chaque année, à la date anniversaire de son décès, des milliers de fidèles lui rendent hommage à travers des prières et des récitations du Saint Coran.
Serigne Saliou Mbacké incarne l’exemple du guide spirituel accompli, alliant sagesse, humilité, discipline et service communautaire. Son legs perdure à travers l’œuvre monumentale qu’il a laissée derrière lui, un phare qui continue d’éclairer le Mouridisme et l’ensemble du Sénégal.