« Il faut être de mauvaise foi ou avoir la mémoire courte ».La société civile sénégalaise traverse une zone de turbulence. Un échange virulent oppose Me Ciré Clédor Ly, avocat engagé et figure médiatique des luttes démocratiques, à Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal. Au cœur de la polémique : une sortie au vitriol de Me Ly contre certaines organisations de la société civile qu’il accuse de masquer des « réseaux d’influence défendant des intérêts occultes ».
Dans un texte rendu public récemment, Me Ciré Clédor Ly s’en est pris à une partie de la société civile, qu’il estime être en décalage avec les aspira-
tions populaires. Selon lui, certaines structures se sont transformées en «instruments d’influence » au service d’agendas étrangers ou partisans. Il dénonce « une instrumentalisation des droits humains » et pointe un double discours de la part de ces organisations lorsqu’il s’agit de dénoncer les violations, notamment pendant les périodes de répression politique.
Face à ces propos, la réaction de Seydi Gassama ne s’est pas fait attendre.
Le responsable d’Amnesty International Sénégal a vigoureusement défendu l’honneur des organisations de défense des droits
humains, qualifiant les accusations de Me Ly d’« injustes » et révélatrices d’une « mauvaise foi manifeste » ou, à défaut, d’une « mémoire courte ».
« Me Ciré Clédor Ly, vos propos à l’endroit des organisations des droits humains sont injustes », a-t-il écrit, rappelant l’historique de l’engagement
sans faille de ces structures, y compris dans les périodes les plus sombres du régime de Macky Sall. « Il faut être de mauvaise foi ou avoir la mémoire courte pour les tenir », a-t-il insisté.
Seydi Gassama a également recadré Me Ly sur ses allusions à la Cour pénale internationale (CPI). Ce dernier avait laissé entendre que des crimes relevant de la compétence de la CPI seraient restés impunis, insinuant un deux poids deux mesures.
Une lecture contestée par Gassama : « En tant qu’avocat associé à cette Cour, vous devez savoir comment elle fonctionne, et surtout quels crimes relèvent de sa compétence, crimes qui sont bien définis dans le statut par l’ensemble des États du monde », a-t-il rappelé.
Cet échange traduit une fracture profonde au sein même du camp des défenseurs des libertés et de la démocratie. Alors que le Sénégal tente de tourner la page d’une longue période de turbulences politiques, les divergences de stratégie, de méthode et désormais de discours deviennent de plus en plus visibles. Certains acteurs, comme Me Ciré Clédor Ly, estiment que des compromis inavoués affaiblissent la sincérité du combat citoyen. D’autres, comme Seydi Gassama, refusent les procès d’intention et appellent à plus de cohérence et de reconnaissance du travail accompli.
Ledakarois