Ledakarois221- De la représentation de la maladie : fait social et/ou
orqanique.
Les plus célèbres des théories traitant de la maladie
comme fait social sont les théories hygiénistes de Villermé
qui étudie les problèmes de santé des ouvriers du textile
avec les relations entre mortalité et pauvreté dans
différents quartiers de Paris ou la durée de la maladie en
fonction de facteurs sociaux et de Virchow qui traite du
lien de causalité entre I’économique, le social, le
politique et la grande épidémie de typhus qui avait ravagé
la Silésie en 1847.
Ces différents travaux ont marqué durant une certaine période la dynamique de la santé publique dans les pays de l’Europe de l’ouest.
L’avènement de la théorie pasteurienne de « l’étiologie
spécifique dont l’axe directeur se définit par le fait que
« chaque maladie est due à 1 action spécifique d’un
germe, submergea l’univers médical et relégua les
variables sociales au rang de déterminants de seconde zone
avec pour conséquence de donner la primauté à la réalité
clinique. La maladie devient alors, d’un point de vue
étiologique, un événement objectif, une réalité
organique, un simple trouble pathologique.
Cette nouvelle conception influe très fortement sur la production de sens de l’univers biomédical et fonde la n légitimité H de ce savoir. Dans la même veine, Herzlich dira que [d]e cette objectivité du trouble procède la conception d’un
savoir médical comme lecture de I ‘organique, décryptage que
le développement scientifique rend chaque jour plus précis et
plus sûr. On pourrait dire de cette conception qui sous-tend
de nombreuses études qu’elle a pour base la notion de
légitimité médicale dans le décryptage de l’organique.
À notre avis, ce processus de décryptage s’analyse comme le
découpage d’une unité de sens dont le rapport à
l’environnement est nié au profit d une existence propre.
Autrement dit, la maladie y est considérée comme un corps
autonome qui n’est que ce que le lecteur-expert-biomédical
perçoit, la substance organique qui est « jetée devant lui »
et dont la caractéristique principale est d’être dans un
état de dysfonctionnement par rapport à une normalité
définie par les institutions médicales.
C’est pourquoi dans ce type d’approche le cadre nosologique
est substantivé par un traitement qui ne se rapporte qu’à ce
qui est visible et lisible. Ce qui veut dire que la
conceptualisation de la maladie est restreinte à la
production de schèmes de représentations objectivantes,
c’est-à-dire basées sur une réalité pratique.
Toutefois – et heureusement -, la sociologie de la santé a
opéré un renversement fondamental car elle a redonné aux
facteurs sociaux leurs véritables dimensions comme sous le
règne de l’hygiénisme : ils sont redevenus des déterminants
fondamentaux de l’analyse de la dynamique des maladies dans le corps social.
Ce nouvel axe est systématisé par Herzlichqui fixe en même temps les contours de notre univers de référence et fonde notre arrimage théorique dans l’énoncé qui suit :
“les conceptions médicales du pathologique ne s’identifiant pas
a une a réalité , les conceptions du profanes retrouvent de
ce fait, une positivité et un rôle dans le processus de
construction sociale de la maladie- Néanmoins, étant donné le
poids du médecin, le processus de marquage, l’étiquetage du
symptôme comme la maladie par la médecine et le médecin,
devient pour le sociologue le principal objet d’étude. Il
s’agit de comprendre les méanismes par lesquels cette
étiquette de maladie est attribuee a certains etats, et pas a
d’autres, et avec quelles cons~quences.
Il s’agit ensuite d’étudier de quelle façon la maladie en vient à exister comme la réalité sociale, structurée dans les rapports entre individus et entre groupes et en particulier dans le traitement, dans la prise en charge médicale.
De la trichotomie représentationnelle de Kleineman dans Patients and Eealers in the context of culture.. .
L’intérêt de ce modèle provient de son aptitude à nous
offrir plusieurs angles de lecture de la réalité de toute
maladie et ce, dans n’importe quelle situation géographique.
D’abord comme objet du décryptage de l’organique, ensuite
comme un ressenti individuel et finalement comme phénomène
social. Cette considération est importante car la maladie sida, l’objet de notre regard ici, est considérée comme une pandémie c’est-à-dire que sa réalité doit être la même chose partout sur la planète.
Cette hypothèse que nos prémisses théoriques nous mènent à
considérer comme fausse, sera vérifiée au moyen du modèle de Kleineman. Nous essaierons de démontrer que le Sida n’est
pas seulement une réalité objective mais une maladie vécue
différemment par les personnes et les peuples. Ensuite, nous
démontrerons que l’utilisation du concept dans les
stratégies de prévention, en l’absence d’une analyse
psychosociale, représenterait un biais dans les stratégies
de prévention destinées à un certain nombre de pays sous
tutelle économico-politique de l’occident.
Peut -on regarder la pandémie du Coronavirus de la même manière?
Nous y plongerons sous peu pour plus de clarifier.
Dr Moussa SARR