Mercredi soir Emmanuel Macron s’est montré pugnace lors d’un débat télévisé dense et acerbe, face à une Marine Le Pen mais courtois dans l’ensemble. Les deux candidats à la présidentielle ont échangé sur la Russie, l’économie, les prix de l’énergie ou encore l’Europe et le climat, à quatre jours du second tour.
Pas de K.O. cette fois-ci mais tout de même un président-candidat plus à l’aise dans l’exercice du débat et une candidate du Rassemblement national parfois sur la défensive. Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont débattu, mercredi 20 avril, près de trois heures durant lesquelles ont été abordées les questions liées au pouvoir d’achat, à la politique étrangère, aux retraites, à la santé, au réchauffement climatique, à l’économie numérique, à l’éducation, à la sécurité, à la laïcité, à l’immigration et aux institutions.
À quatre jours du second tour de l’élection présidentielle, pour lequel le président sortant est donné favori, mais avec une dynamique bien moins favorable qu’il y a cinq ans, les finalistes se sont efforcés d’opposer deux registres : celui de la “porte-parole” du peuple qui “souffre” et des plus démunis pour l’une, celui du héraut d’un “pays plus indépendant et plus fort” pour l’autre.
Forte des enseignements de son raté de 2017, Marine Le Pen a cultivé une contenance courtoise et souriante, parfois faussement détachée face à son adversaire qui, comme en 2017, s’est employé à confronter la députée RN du Pas-de-Calais aux contradictions et failles présumées de son programme avec un ton parfois condescendant et sentencieux.
Confrontation sur le pouvoir d’achat
Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont accrochés sur leurs propositions respectives d’incitations à augmenter les salaires et primes, chacun accusant l’autre de faire croire que les hausses seront “automatiques”.
“Vous n’allez pas administrer les salaires, Mme Le Pen”. “Tout comme vous n’allez pas administrer les primes, M. Macron”, se sont répondu les deux candidats, en évoquant la thématique du pouvoir d’achat.
La cheffe de file du RN a défendu sa proposition de geler “les cotisations patronales” en cas d’augmentation de “10 % des salaires jusqu’à 3 fois le Smic”. Emmanuel Macron est revenu sur le dispositif de prime versée par les entreprises, qui sera défiscalisée jusqu’à 6 000 euros.
Marine Le Pen accusée de “dépendance” vis-à-vis de la Russie
Emmanuel Macron a accusé Marine Le Pen de “dépendre du pouvoir russe” et “de monsieur Poutine” pour avoir “contracté un prêt auprès d’une banque russe”. Le RN continue de rembourser un prêt de 9 millions d’euros à un créancier lié à d’anciens militaires russes.
“Vous parlez à votre banquier quand vous parlez de la Russie, c’est ça le problème madame Le Pen”, a déclaré le président-candidat, la cheffe de file du RN répondant être “une femme absolument et totalement libre”
Le “Mozart de la finance” attaqué sur son bilan économique
Marine Le Pen a attaqué le bilan économique “mauvais” et “injuste” d’Emmanuel Macron, qu’elle a taxé de “Mozart de la finance”, et qui a lui assuré avoir “protégé” de la crise du Covid-19 grâce au “quoi qu’il en coûte”.
“Vous parlez baisse d’impôt, vous parlez toujours des gros et pas des petits”, a accusé la candidate RN, en citant la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF). “C’est la (suppression de) la taxe d’habitation de très très loin” qui a été la baisse d’impôt la plus grande, a rétorqué Emmanuel Macron.
“Climatosceptique” vs “climato-hypocrite”
Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont affiché leurs divergences sur l’écologie, la première accusant le second d’être “climato-hypocrite” et de soutenir “le pire de l’écologie punitive”, tandis qu’elle était traitée de “climatosceptique” en baissant la TVA qui va “subventionner” les énergies fossiles.
La candidate RN s’est déclarée favorable à “la transition” écologique mais il faut qu’elle soit “beaucoup moins rapide”. Mais pour Emmanuel Macron, “il n’y a pas de stratégie de sortie des énergies fossiles qui passe par le tout nucléaire” et il est donc nécessaire d'”investir dans le renouvelable”, alors que Marine Le Pen veut démanteler le parc d’éoliennes français.
Marine Le Pen décrit une France confrontée à “une vraie barbarie” et à “un vrai ensauvagement”
Les deux candidats ont débattu des moyens de combattre l’insécurité, “une vraie barbarie”, notamment en raison de “l’immigration anarchique et massive”, selon Marine Le Pen. Tandis qu’Emmanuel Macron a défendu une sécurité “avec des moyens” et non “avec des postures”.
Laïcité
Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont eu en fin de débat une rude passe d’armes autour du voile et de la laïcité, le chef de l’État accusant son adversaire de “trahir l’esprit français et de la République”.
“Je suis pour l’interdiction du voile dans l’espace public” car “le voile est un uniforme imposé par les islamistes” et “une grande partie des jeunes femmes qui le mettent ne peuvent pas faire autrement”, a estimé la candidate RN.
“Ce que vous proposez est une trahison de l’esprit français et de la République”, a rétorqué Emmanuel Macron en accusant son adversaire de “créer la guerre civile” avec cette mesure.